Bouge de là!

Par Mélissa Mitchell • Le 24 novembre 2015


« Tu devrais aller prendre une marche, ça va te faire du bien ! »  S’il y a une phrase qui a le pouvoir de me faire sortir de mes gonds, c’est bien celle-là. Je pensais que le statut de migraineuse chronique venait avec l’immunité diplomatique contre cette phrase : après tout, je joue dans les ligues majeures de la migraine ! Hey bien… non.

Cher non migraineux que j’adore, il faut comprendre que la migraine n’est malheureusement en rien comparable à un mal de tête. Pour un migraineux, une Tylenol ou un Smarties, ça a le même effet : aucun ! Je ressens bel et bien une douleur effroyable à la tête, mais mon cerveau s’amuse en plus à saupoudrer d’autres symptômes au gré de sa fantaisie : photophobie, phonophobie, aphasie… alouette !  Faire une marche en pleine crise de migraine quand il fait aussi chaud et humide qu’à Cuba, que le soleil brille de mille feux et que le voisin joue de la scie à chaîne ? De grâce, achevez-moi tout de suite, cette technique de torture est bien trop cruelle !

Est-ce que ça veut dire que les migraineux ne doivent plus jamais bouger ? Bien sûr que non ! Mais il y a des moments et des niveaux de douleur à prendre en considération avant de choisir l’activité appropriée. Une marche par temps frais avec un 3/10 de douleur, peut-être. Je compte plus sur mon triptan que sur l’air pur pour me soulager par exemple.  À 8/10, non merci. Marcher du salon à la cuisine est un exploit bien suffisant.

J’ai connu au fil de ma vie de migraineuse et de mon expérience à travers la douleur chronique différentes phases vis-à-vis de l’exercice. Étant plutôt volontaire, je me suis souvent imposé un rythme fixe par le passé (lundi : Zumba, mercredi : yoga, etc.), nonobstant l’état physique ou mental du jour. Preuve que de véritables changements s’opèrent en moi, depuis le printemps cette année mon focus a totalement changé.

Pour la première fois de ma vie, ma source de motivation n’est pas de perdre du poids ni de m’entraîner parce qu’il faut le faire.  Je décide de prioriser l’activité physique pour aider mon corps à se réparer.  Je veux être en forme. Je me suis fixé deux objectifs : réussir un jour à faire de vrais push-up et pouvoir tenir dans mes bras plus de 2 minutes mon fils qui pèse déjà 35lbs bien tassées du haut de ses 3 ans. Volontairement, je n’ai pas établi de date pour les atteindre, parce que ma situation est très complexe et que la douleur m’empêche parfois de bouger pendant plusieurs jours d’affilée.

Ce changement de focus m’a aidée à être davantage à l’écoute de mon corps. J’ai découvert que je peux uniquement faire de l’exercice le matin, car l’après-midi, je suis généralement KO par une crise de migraine et ça devient alors impossible. Je dois aussi espacer mes séances aux 2-3 jours, pour respecter à la fois mon énergie et mon dos fragile.

Je ne vous surprendrai pas en vous disant que le yoga est un bon allié. Parce qu’il renforce, stabilise, étire. Je n’ai pas assez d’énergie pour me rendre dans un studio (les plus proches de chez moi sont des studios de yoga chaud et ça ne m’apparaît pas compatible avec la migraine), mais comme j’ai assisté à des cours par le passé, je peux maintenant pratiquer en suivant un DVD. J’ai tenté de refaire un peu de Zumba, mon amour de toujours, cet été : ça s’est avéré trop intense.  J’ai remarqué que la journée du cours se passait bien, mais que les deux suivantes j’étais tellement fatiguée que je ne pouvais plus rien faire du tout. En douleur chronique, l’exercice ne fait pas gagner de l’énergie : elle prend une portion de l’énergie du jour. Il faut donc bien équilibrer le reste des activités prévues au menu du jour et de la semaine pour ne pas se retrouver en déficit énergétique.

Quand j’ai recommencé à être plus active, souvent, après un lever avec la migraine, je me posais la question « Mmmm, est-ce que je suis vraiment fatiguée ou je manque de motivation ? ». Misère ! Je ne sais pas fille, tu t’es levée avec la migraine, t’as peut-être un indice ? Maintenant, je sais que de la motivation et de la volonté, je pourrais en encapsuler et en vendre sur eBay ! C’est d’ailleurs frustrant de vouloir en faire davantage, mais de ne pas pouvoir. D’autant plus que cette contrainte d’énergie et de douleur s’impose dans toutes les sphères de ma vie !

Je suis fière de ma nouvelle attitude toute en compassion et en écoute. Je parviens de mieux en mieux à accepter qu’après trois jours de migraines à 8/10 de douleur, les deux suivants servent à récupérer et qu’aucun exercice ne soit envisageable. C’est une semaine à rayer de la carte. Je reprendrai la semaine suivante. Pas je ME reprendrai. Je ne rattraperai pas les séances manquées, je vais reprendre le rythme habituel. Je m’offre la flexibilité. Si j’ai prévu aller marcher et que finalement non, j’ai mal partout, je sens que des étirements me seraient bénéfiques eh bien c’est ce que je fais. Le DVD Yoga Relaxation de Lyne St-Roch est d’ailleurs devenu un outil précieux contre les tensions musculaires post giga-migraines : je le recommande vivement.

Le plus fascinant, c’est qu’en assouplissant mes standards de performance au niveau de l’exercice, j’ai tout de même perdu cette année les 16lbs que j’avais gagnées lors de la première année de mon arrêt de travail. Je m’explique ce succès par la modification de certaines habitudes alimentaires (je ne sais pas pour vous, mais moi quand je souffre et que j’ai un creux, la toast au beurre d’amandes vient plus spontanément comme idée que de me couper des carottes et me servir de l’humus…), mais aussi par une activité physique plus douce certes, mais aussi plus constante.

Mon père m’a toujours seriné les quelques mots d’italien que son grand-père lui a légués : « Chi va piano, va sano e va lontano ».  Qui va doucement, va sainement et va longtemps.  J’ai toujours eu un tempérament plus lapin que tortue, mais à part dans les publicités d’Energizer, le lapin, il s’épuise. J’opte donc maintenant pour la technique de la tortue… un pas à la fois, j’avance. Quand la douleur est trop intense, je rentre dans ma carapace et j’attends. Puis je reprends…

-Mélissa


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