Le syndrome d’hypotension intracrânienne

Par Dre Elizabeth Leroux • Le 7 juillet 2021


Tout d’abord, un peu d’anatomie!

Pour bien comprendre la céphalée par hypotension intracrânienne, il faut imaginer le cerveau dans la boîte crânienne, baigné par un liquide protecteur et nourricier, le liquide céphalo-rachidien (LCR). Ce liquide sert en quelque sorte de coussin qui empêche le cerveau de se frapper sur la boîte crânienne lorsque la tête bouge. Le cerveau et le liquide sont contenus dans un sac constitué de méninges. Les méninges sont en fait les enveloppes du cerveau! La méninge la plus épaisse se nomme la dure-mère. Ce sac de méninge se continue dans la colonne vertébrale, où il entoure la moëlle épinière, elle aussi baignée dans le LCR.

La plupart des céphalées par hypotension sont causées par une fuite de liquide céphalo-rachidien, en général par un trou dans la dure-mère. Puisque le LCR fuit, la pression dans le sac méningé diminue, et ceci peut mener à différentes réactions dans la boîte crânienne. Privé de son coussinage liquide, le cerveau est plus sensible aux changements de position, ce qui entraîne les symptômes de l’hypotension intracrânienne.

Les symptômes de l’hypotension intracrânienne sont nombreux

Le mal de tête est caractéristique. Le plus souvent, il est pire en position assise ou debout, car c’est dans cette position que le cerveau subit le plus de gravité et est tiré par le bas. On parle de céphalées posturales. La position couchée, même sans sommeil, soulage la céphalée rapidement. Cela dit, dans des cas plus chroniques, les variations posturales sont moins évidentes, et on peut voir un mal de tête qui se détériore au cours de la journée. Plusieurs personnes décrivent une douleur qui irradie vers le cou et les épaules. Le mal de tête peut être accompagné de nausées, de vomissements, de sensibilité aux sons et aux lumières.

À part la céphalée, d’autres symptômes sont décrits, souvent en lien avec l’impact des changements de pression sur les nerfs crâniens et les structures du cerveau. On note la vision double, les distorsions auditives, les acouphènes et, dans certains cas plus sévères, de la confusion.

Qu’est-ce qui cause le syndrome d’hypotension intracrânienne?

Évidemment, ce syndrome peut être causé par plusieurs techniques telles que la ponction lombaire (on l’appelle alors céphalée post-PL) ou encore les épidurales et autres injections lombaires. Dans ce cas cependant, la cause est claire!

 La cause la plus fréquente de l’hypotension dite spontanée est un trou, ou brèche, dans l’enveloppe des méninges. On pense que certaines personnes ont de petits becs osseux dans leur colonne et, par malchance, lors d’un mouvement, cet éperon, qui n’est en fait qu’une variation de l’anatomie, perce la dure-mère. Le syndrome peut commencer après un accident, parfois mineur, même un faux-mouvement de la colonne.

À part les brèches, il y a aussi des cas plus rares avec des diverticules (comme des petites poches dans le sac de méninges qui peuvent rupturer) et des fistules (un canal anormal qui relie le LCR au sang veineux).

Comment distinguer l’hypotension intracrânienne de la migraine et de la céphalée de tension?

Rappelons que les migraineux ont des crises intercalées avec des périodes sans symptômes, alors que l’hypotension provoque un mal de tête plus constant. La céphalée de tension est rarement constante, rarement invalidante, n’est pas posturale, et ne s’accompagne pas des symptômes typiques de l’hypotension.

Dans certains cas, le diagnostic de l’hypotension est très facile. Le syndrome peut commencer subitement, et la personne peut observer le mal de tête typique qui disparait en position couchée, alors que tous les symptômes reviennent en position debout. Il n’y a pas d’autre syndrome qui ressemble à cela. Il est donc très important de retracer et décrire le début des symptômes.

Dans des situations plus subtiles, ou plus chroniques, le mal de tête devient moins postural, et présent depuis plus longtemps. Il peut alors ressembler à la migraine chronique. La plupart des patients avec des migraines chroniques ont mal dans le cou, plusieurs ont des acouphènes, des nausées, de la vision floue, et souvent le fait de s’allonger améliore le mal de tête en raison du repos plus que de la posture. On peut donc dire qu’il faut une certaine expertise pour distinguer la migraine chronique de l’hypotension intracrânienne. Une consultation est neurologie est toujours indiquée.

Quels sont les tests disponibles?

En général, on commence par une IRM cérébrale avec du contraste (un produit intra-veineux appelé gadolinium, administré avec l’examen). Ce test va révéler des anomalies pour 80-85 % des patients. Une IRM de la colonne est parfois utile. Si le diagnostic est clair, on procède au traitement que je vais détailler après.

Si l’IRM est normale, alors il faut planifier prudemment. Certains cliniciens vont d’emblée recommander un traitement si les symptômes sont typiques, et la réponse au traitement (le fameux blood patch) va prouver le diagnostic. Mais lorsque le diagnostic est incertain, des tests plus avancés comme le CT Myéloscan peuvent être utilisés avant de se lancer dans les traitements. Ceci demande une collaboration avec un radiologiste expérimenté et un suivi clinique attentif.

Quels sont les traitements recommandés?

Si le syndrome vient de commencer, il arrive que le repos au lit pendant 1 à 2 semaines puisse régler le problème. La caféine est en général utile pour soulager la douleur. Le mal de tête est très difficile à soulager, même avec des analgésiques puissants. La position couchée reste souvent le seul soulagement possible.

Le blood patch (terme souvent utilisé même en français) est la technique la plus utilisée. On prélève un peu de sang du patient, et on injecte ce sang au niveau de la colonne lombaire, juste autour du sac de méninges. En faisant ceci, on espère rétablir la pression dans le système, et possiblement boucher le trou.

Si le blood patch lombaire ne fonctionne pas, et qu’une fuite a été trouvée, alors on peut tenter de cibler la fuite avec un blood patch ciblé. On peut aussi utiliser des colles biologiques de fibrine au lieu du sang. Dans de rares cas, il faut faire une chirurgie, surtout si la brèche est grosse. Les très rares cas de fistule doivent être gérés par des équipes spécialisées.

Quoi faire si le diagnostic n’est pas clair?

Dans les situations incertaines où le mal de tête ressemble à une hypotension mais aucune brèche n’est trouvée, on tente parfois les traitements utilisés pour la migraine chronique. En fait, il n’est pas rare de traiter un patient chez qui le diagnostic d’hypotension a été évoqué et jamais prouvé, et qui peut être finalement présente une migraine chronique, donc cette approche est raisonnable. Les traitements pour la prévention migraineuse incluent plusieurs pilules, le Botox, et plus récemment les anticorps CGRP.

Le traitement de l’hypotension intracrânienne devrait être géré par un neurologue, et dans certains cas un spécialiste en médecine des céphalées connecté à une équipe interdisciplinaire.

Si vous voulez en savoir plus sur le syndrome d’hypotension intracrânienne, n’hésitez pas à consulter le site web Fuite Spinale LCS Canada.

–Dr Elizabeth Leroux, neurologue et spécialiste en médecine des céphalées à Montréal


Visionnez cet article en format vidéo.

Consultez aussi


S’abonner
Avisez-moi lors de
guest

8 Commentaires
Inline Feedbacks
Voir tous les commentaires
Élise Robert
Élise Robert
il y a 2 années

Cela ressemble énormément à ce que j’ai…
Ayant eu une césarienne lors de mon accouchement, de violents maux de tête sont apparus. Seule la position couchée arrivait à me soulager un peu. Après quelques jours à souffrir, mon conjoint m’a ramenée à l’urgence. On me disait qu’il était trop tard pour faire un blood patch. Qu’en est-il d’un blood patch réalise des années plus tard? Peut-il soulager les migraines?

Édimestre
il y a 2 années
En réponse à  Élise Robert

Dans la majorité des cas d’hypotension intracrânienne, la brèche se corrige spontanément. Malgré cette correction de la pression intracrânienne, une personne pourrait garder des céphalées chroniques par la suite, mais habituellement l’aspect de l’aggravation debout s’estompe.

Si vous avez des céphalées qui sont pires lorsque vous êtes debout et soulagées en position couchée, il serait préférable d’en reparler à votre médecin de famille ou, en absence de ce dernier, à un médecin dans une clinique sans rendez-vous, afin d’avoir une évaluation en neurologie (idéalement avec un ou une spécialiste des céphalées comme Dr Elizabeth Leroux).

Il peut arriver que des cas de céphalée post-épidurale persistent pendant des années et soient résolus avec un blood patch.

Par contre, les blood patchs sont seulement utiles si une hypotension intracrânienne est fortement suspectée ou prouvée. Ce traitement n’est pas indiqué et n’aidera pas pour les migraines.

Diane Lemay
Diane Lemay
il y a 1 année

Bonjour à la fin janvier, j’étais tout bonnement assise à lire mon journal, lorsque j’ai perdu la vision des 2 yeux, tout est devenu noir comme quand les yeux sont fermés et ce, pour quelques secondes, un mal de tête s’est déclenché peu après l’incident.

Je suis allée à l’hôpital en urgence le lendemain sous les conseils de mon conjoint et la médecin a rejeté le diagnostique de AIT (accident ischémique transitoire) puisque c’était les deux yeux qui ont été touchés, elle a parlé d’une possibilité d’hypotension intracrânienne. Souvent j’ai fait des migraines ophtalmiques mais ici il n’y avait rien de commun.

Je suis retournée à la maison, en me demandant de revenir si cela se produisait à nouveau. La semaine passée, j’ai rencontré mon ophtalmologiste (suivi pour glaucome) et à son tour , il me parlait d’hypotension intracrânienne que j’aurais pu le rencontrer s’il avait s’agit d’un seul oeil. Je suis tout simplement laissée à moi-même.
Je suis tombée sur votre site en faisant des recherches! Que dois-je faire?

Edimestre
il y a 1 année
En réponse à  Diane Lemay

Bonjour Diane, que vous a conseillé le premier médecin? Tel que décrit dans l’article, si les douleurs reviennent, nous vous encourageons à consulter à nouveau afin de pouvoir être référée vers un·e neurologue et effectuer les tests nécessaires comme un IRM pour diagnostiquer l’hypotension intracrânienne.

Zenden Clémentine
Zenden Clémentine
il y a 11 mois

Bonjour. En fin d’année 2017, j’ai bénéficié d’une péridurale pour la naissance de ma fille. L’anesthésiste a percé la dure mère et la dose trop forte a endormi mon corps (des pieds jusqu’au cou). Je n’ai ressenti les symptômes d’une brèche qu’au retour à mon domicile. En effet je suis restée alitée durant 72 heures à la maternité suite à accouchement compliqué. Depuis 5 ans et demi maintenant je souffre de ces mêmes symptômes généralement à l’effort ou dans de mauvaises positions : sensations de tensions au niveau du cervelet, acouphènes, hausse de la chaleur corporelle. Je ne dirai pas que j’ai mal mais les sensations sont insupportables ; je dois impérativement m’allonger pour faire cesser la crise. La crise peut passer au bout d’une heure mais généralement je ne vais pas mieux avant plusieurs heures voire une nuit complète. J’ai passé trois irm cérébrale entre 2018 et 2023 et une irm lombaire en 2023. Aucun argument pour un problème au niveau du LCR. Un neurologue m’a prescrit en 2019 un antidépresseur utilisé pour les maladies neuro : pas d’amélioration. Un autre indique que c’est psychologique. Les anesthésistes de la maternité me refuse un blood patch. Qu’en pensez vous ? D’autres examens sont à envisager ? Avez vous un confrère ou une consœur à me conseiller en France ? Merci par avance pour votre retour. Bien à vous

lina
lina
il y a 2 mois
En réponse à  Zenden Clémentine

Bonjour, votre message est touchant, avez vous trouvez une solution? Courage à vous.

Ariguel Isabelle
Ariguel Isabelle
il y a 4 mois

Bonjour… J ai 42 ans aujourd’hui. Je suis valver lombaire pour une hypertension intracrânienne depuis l’âge de 15 ans. J ai été réopérer il y a environ 10 ans pour me changer la valve qui ne fonctionnait plus. Quelque jour après du liquide céphalo-rachidien sortait de ma cicatrice. La valve, après une pression trop forte était sorti… Donc ré opération.
Depuis j’ai très souvent de violent maux de tête, accompagné de bourdonnement dans l oreille et de vue qui se trouble. Ca se calme en effet en position allongée.
Depuis 1 ans, environ, j’ai énormément de vertiges. Dont 1 cette semaine qui m a fait tomber et m a envoyé aux urgences. On me parle de vertiges vestibulaire. Sans trop chercher plus loin.
Quand serait il, si ma valve s était de nouveau enlever de ma colonne sans qu on s en rendent compte? Est ce que ça pourrait expliquer mes vertiges ?
Je ne sais plus quoi penser via mes problèmes de santé. J ai l impression de ne pas être écouter et comprise. Je ne veux pas retourner voir mon chirurgien qui a part me dire qu’il faut que je maigrisse et qui m a charcuté.
Merci de me donner votre avis si possible…

Edimestre
il y a 4 mois
En réponse à  Ariguel Isabelle

Nous sommes de tout coeur avec vous, ce n’est pas facile de devoir chercher des réponses qui ne viennent pas. Toutefois, nous ne pouvons pas donner de diagnostic ni de conseil médical personnalisé dans le cadre de ce site. C’est pourquoi nous vous encourageons à consulter votre médecin. N’hésitez pas à demander ue référence en neurologie si nécessaire.

Si vous avez envie d’échanger avec d’autres personnes, vous pouvez vous joindre à notre groupe Facebook : https://www.facebook.com/groups/312758085805229/ (Il faut répondre aux questions d’adhésion.)

Bonne courage dans vos démarches.