Chuuuuuut!

Par Mélissa Mitchell • Le 12 octobre 2015


Ce matin, ma rue ressemble à un chantier de construction alors que la Ville s’apprête à réparer une conduite d’eau. Coupure d’eau à l’horaire, alors je fais mes réserves, prends ma douche, pars une brassée de lavage. Je vais déplacer ma monture pour ne pas être confinée à la maison toute la journée. Tout ça repousse le moment de déjeuner de 30 minutes. Trigger #1. Je m’attable enfin, affamée, tandis que le bruit qui était déjà assez élevé depuis l’arrivée des travailleurs devient carrément insupportable. On éventre la rue et parallèlement c’est mon cerveau qui se fait éventrer. Trigger #2. Je sens la pointe de douleur surgir, je prends mon Imitrex en simultanée puis…néant. Mon cerveau ne coopère plus.

Dans mon cerveau, c’est la pagaille totale. Comme dans l’excellent film Sans dessus dessous de Pixar, je m’imagine qu’il y a plein de petits bonhommes dans ma tête. Il y en a un qui panique. Il tourne en rond sur lui-même en disant : « Oh la la la la…quelle horreur ! Il faut s’en aller de la maison aujourd’hui ! Maintenant ! TOUT DE SUITE ! » Il y en a un autre qui suce son pouce dans son coin en pleurnichant : « Mais on va ouuuuù ? On organise comment cette journée ? » Miss Idées s’élance : « On pourrait aller là. Faire ceci. Ou encore cela ! » Leur chef est incapable de se concentrer, ses capacités d’analyses se sont évanouies lorsque la douleur a fait sa montée en flèche. Soudainement, un petit bonhomme s’avance et lance timidement : « Je crois avoir une idée… on pourrait peut-être mettre des bouchons d’oreilles ? » Alors les bras de tous tombent par terre devant cette évidence qui a pris un bon 30 minutes à s’imposer. Mes bonhommes enivrés de bien-être s’échouent sur leurs lits au moment où je mets les bouchons. Mais il est trop tard. La douleur est bien installée déjà.

Me voici donc en train d’écrire ces lignes, le cou raide, la douleur pulsant ma tempe. Le chef de mes bonhommes n’a pas encore assez repris ses esprits pour donner une direction à la journée, mais il s’est dit que c’était une aventure intéressante pour aborder le thème de l’ouïe fine de lapine qui me caractérise.

Tout comme les odeurs m’agressent, les sons intenses ont le même pouvoir de déclencher une migraine. Je ne supporte pas les cris. Les bruits forts. Les bruits répétitifs. Le chat qui miaule sans arrêt pour qu’on lui ouvre la porte. Les fameux dimanches Concerto de Tondeuses en Ré mineur des voisins m’horripilent. Confrontée à de tels sons, mes poils se hérissent, ma nuque se raidit, mon pouls s’accélère. Et la migraine guette le moment propice où elle se déchaînera.

Je perçois également des sons que personne n’entend. Je suis capable d’entendre mon chat miauler au sous-sol alors que je suis couchée avec des bouchons dans les oreilles, que mon conjoint ronfle et que le ronronnement de mon CPAP émet déjà un son ambiant. Ou mon fils qui, depuis son lit, dit doucement : « mé veut de l’eau », pendant qu’on écoute un film, le volume assez élevé parce que des enfants crient et s’amusent avec des jouets bruyants dans la rue.

Je dois avouer que cette composante liée au son s’est révélée particulièrement difficile lorsque je suis devenue maman. Les bouchons d’oreille sont devenus mes alliés à ce moment d’ailleurs. Un bébé naissant fait tellement de sons en dormant que même avec mes bouchons j’entendais mon fils de l’autre côté du mur. Et les pleurs… disons que lorsque papa arrivait le soir je me réfugiais parfois au sous-sol pour entendre le silence. Mais tant que ce sont des pleurs légitimes, mon cerveau les laisse généralement passer. Mais les crises…ces fameuses crises du « NON ! » de mon fils qui a presque trois ans… Qui pleure pour ne pas s’habiller/manger/aller sur le pot/alouette ! Celles-là viennent me chercher.

C’est clair que mon incapacité à gérer les sons stridents a un impact sur l’éducation de notre fils. Papa n’est pas toujours en accord avec mes 101 stratégies de contournement pour divertir mon fils afin de couper court à la crise. Stratégies qu’il exerce lui aussi pour éviter qu’une crise prolongée de fiston provoque une migraine chez maman. Il le laisserait pleurer davantage si ce n’était pas de moi. Mais cette situation a tout de même un avantage indéniable : ici, on ne crie pas. Ni un ni l’autre ni le petit n’ont cette autorisation. Et ça, ça emmène beaucoup d’harmonie dans une maisonnée !

Je vous laisse… les bonhommes dans mon cerveau commencent à se foncer les uns dans les autres, les hommes jouent de la drill dehors et le sol vibre par ici…

-Mélissa


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