Et si la migraine était un superpouvoir?

Par Marie-Eve Branconnier • Le 6 novembre 2020


Une théorie scientifique prône que chaque être humain est infiniment, si ce n’est à 100%, façonné par son environnement. De l’endroit où il vient au monde jusqu’à chaque épreuve, chaque personne qu’il rencontre. Il serait expliqué que notre personnalité, la manière dont nous agissons envers les autres ainsi que toutes nos actions seraient teintées, modulées par cet environnement qui nous est propre.

C’est une théorie qui me fascine beaucoup et j’en viens souvent à me questionner sur ma personne, ma personnalité, mes forces et mes faiblesses par rapport à ce qui m’entoure et ce que j’ai vécu.

Jusqu’à me demander, qu’en est-il de la migraine? Plusieurs personnes considèrent que l’arrivée d’une condition de migraineux/ses peut survenir suite à un événement, une série d’événements, un traumatisme, une autre condition, etc. Mais si on analysait cette idée dans l’autre sens? Vous êtes-vous déjà demandé qui seriez-vous si vous n’aviez pas de migraines? Seriez-vous différents ou sensiblement le ou la même?

J’ai donc profondément réfléchi à la question et avec mon inexistante formation en psychologie, je me suis auto-psychanalysée, du meilleur de mes capacités, cela s’entend. Remarquez, qui de mieux que soi-même pour se comprendre?

Alors, qui suis-je?

Quelles sont mes super-forces?

Je suis hyperempathique. J’ai une très grande facilité à me mettre dans la peau des autres, ce qui fait de moi celle qui défend à tout moment et dans toutes circonstances la veuve et l’orphelin. Est-ce le fait de vivre avec la migraine chronique qui m’aurait rendue ultra-sensible aux maux des autres, au point que les défendre soit plus fort que moi, les connaissant ou non? Est-ce le fait de vivre incomprise pendant tant d’années qui me pousse à vouloir instinctivement comprendre et aider les autres? Qui fait de moi une si bonne médiatrice, capable d’expliquer à l’un la perception de l’autre? Est-ce la sensation de laisser tomber les miens, le fait de me sentir égoïste de devoir prendre soin de moi dû à mes migraines qui ont fait développer mon empathie à ce point?

Je suis reconnaissante. Je dis souvent à qui veut bien l’entendre qu’en naissant au Québec, j’ai déjà gagné à la loto de la vie. C’est vrai, il m’en faut peu pour être heureuse. On pourrait dire que je me contente de peu, mais je préfère voir ça plus positivement. Ce que j’ai, où je suis et ce qui m’entoure sont AMPLEMENT suffisants à mon bonheur. Ne sachant jamais quand une nouvelle crise va survenir, cela a-t-il fait de moi quelqu’un de terre à terre, qui ne se projette pas dans l’avenir, cherchant à toujours avoir plus, mais qui plutôt profite pleinement du moment présent? Je sais reconnaître toute la valeur d’une bonne journée en santé, de pouvoir partager des moments avec les autres, de simplement bouger, s’activer! Quand le fait de me réveiller un matin sans douleur s’apparente à la sensation de prendre une première bouffée d’air après avoir retenu mon souffle pendant trop longtemps, je la vois différemment ma journée. Quand tous ces moments dans la souffrance où j’ai l’impression de seulement survivre, les jours où je peux vivre, OH que je les vis !! Et malgré la migraine, je me considère si chanceuse d’avoir tout ce que j’ai.

Je suis résiliente. Même si j’ai parfois des capacités plus limitées, je sais que je suis forte. Je suis capable de rester positive dans l’adversité et de tout traverser la tête haute. Je vois toujours le verre à moitié plein, le bon côté de la médaille et surtout le meilleur chez les gens. Je dédramatise tout et me mets automatiquement en mode recherche de solutions. M’apitoyer sur mon sort étant trop lourd à porter, m’aurait-il permis de devenir cette personne si positive et proactive? Cela aurait-il même développé mes capacités cognitives vers un cerveau logique et créatif? Rien n’est jamais trop grave ou trop tard avec moi, il y aura toujours un nouvel angle à apprivoiser, un meilleur moment à guetter.

Je suis curieuse. Ma sœur dit souvent que j’ai l’esprit de contradiction, je préfère dire que je suis quelqu’un qui remet toujours tout en question. Qui croit intensément qu’il n’y a jamais qu’une seule vérité, ou même que la vérité n’existe tout simplement pas. Paulo Coelho a jadis dit : « justement au moment où j’avais réussi à trouver toutes les réponses, toutes les questions ont changé ». Il y aura toujours à apprendre et ce n’est pas parce que quelque chose était vrai auparavant qu’il l’est encore aujourd’hui. Est-ce que mon handicap m’ayant forcé à m’informer et m’éduquer par moi-même sur celui-ci aura fait de moi quelqu’un qui s’intéresse à tout? Qui aime apprendre sur des sujets que je ne connais pas, qui aime avoir les points de vue de diverses personnes sur divers sujets? Et si on y réfléchit vraiment fort, est-ce simplement le fait de vivre avec des neurones dysfonctionnels qui me pousse à exploiter au maximum ceux qui fonctionnent bien?

Ces 4 super-forces sont les facettes de ma personne que je n’échangerais jamais. C’est le fondement de ma personnalité, ce qui fait de moi celle que je suis et je ne pourrais m’imaginer autrement. En y songeant, je vois nettement un lien entre ma condition de migraineuse et ces belles forces. Il est facile de croire qu’un aveugle développe une ouïe et un toucher extraordinaires. L’ascendant pour le handicap de migraineux doit tout autant être possible, non?

Et si la migraine était un superpouvoir? Et si la migraine a fait de moi quelqu’un d’empathique, de reconnaissant, de résilient, de curieux? Je ne sais peut-être pas voler, lever des voitures dans les airs, me rendre invisible ou cracher du feu, mes forces sont peut-être plus psychologiques que physiques, mais j’aime à croire que ces 4 forces font de moi quelqu’un d’exception.

Je remarque souvent ces forces chez d’autres migraineux/ses, la sensibilité accrue, la reconnaissance, la résilience, surtout la résilience, la facilité à apprendre. Si nous nous posons la question, préférerions-nous être centrés sur nous-mêmes, ingrats, négatifs et las? N’est-ce pas exceptionnel de vivre avec une si belle intelligence émotionnelle?

Et si on nous donnait l’opportunité de vivre sans notre superpouvoir, de vivre plus simplement, nous n’y songerions pas deux fois. Nous souhaiterions nous en débarrasser, tout comme les superhéros de notre imaginaire collectif, pour qui eux-aussi leur superpouvoir équivaut à un fardeau si pesant. Toutefois notre destin, tout comme celui de Batman, est déjà scellé, on ne peut rien y changer.

Et pourtant, si la migraine a fait de moi la personne que je suis, j’en fais la conclusion que je ne pourrais pas vivre sans.

Alors aujourd’hui, faites la même réflexion, essayez de voir votre condition, même si elle est difficile à vivre tel le superpouvoir qu’elle est. Essayez de voir comment la migraine a sculpté votre personnalité et ses plus belles facettes et j’espère que vous en ferez la même conclusion que moi.


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Caroline Beaulieu
Caroline Beaulieu
il y a 3 années

WoW! C’est tellement ça! Chaque jours sans migraines, sont des cadeaux.

Joanne F Dussault
Joanne F Dussault
il y a 3 années

Merci de votre magnifique réflexion. Je considère aussi que la migraine, cet état invalidant, mais non constant vient avec des avantages. L’hypersensibilité sensorielle est un atout qu’on peur apprécier lors des phases sans crises migraineuses. L’empathie et la compassion envers ceux qui souffrent est une qualité humaine inestimable . Quand on comprend comment gérer ses propres crises, on peut en réduire considérablement l’occurence. C’est mon cas! Je ne peux pas me soustraire aux influences des changements baromètriques mais j’ai mes verres protecteurs des néons . Un autre formidable outil pour se sentir mieus est l’auto compassion parce que se plaindre et se voire comme une victime est contre productif. Tous les humains sont affligés de quelque chose et il y a des conditions bien plus ingérables . Je vous souhaite une bonne et belle journée. Jo