Qui d’entre nous n’a jamais ressenti ne serait-ce qu’une pointe d’envie envers ceux et celles qui n’ont « presque jamais mal à la tête» ? Qu’ils touchent du bois! Dans notre monde de douleur, ce geste ne nous apporterait aucun bienfait. À nous, qui vivons avec la migraine chronique.
Études
Je fréquentais le cégep, suivant un cours d’analyses biomédicales dans le but de travailler en laboratoire hospitalier. La migraine m’a suivie tout au long de mes études. Comme elle a teinté l’avant et envahi l’après.
Un trop long moment, en deuxième année de mon DEC, elle s’est faite fréquente et obstinée. Au point de me pousser à penser à abandonner un temps mes études jusqu’au moment où ça irait mieux. Trouverais-je une solution? J’y croyais encore, en vain.
J’ai vu mon médecin qui m’a prescrit des traitements prophylactiques. Il y avait des traitements qui prévenaient les crises de migraine! Pourquoi ne pas me l’avoir dit avant?
Comme c’était la première tentative de mon jeu d’essais et d’erreurs, rien de miraculeux ne se produisit, mais cela m’a aidée à terminer mes études.
Vous le connaissez bien ce jeu auquel on essaie un médicament après l’autre pour voir si les bénéfices dépasseront les effets secondaires. Dans ma situation, ce fut rarement le cas.
Carrière
Ce n’était pas la graduation qui allait marquer la fin des crises de migraine. Oh que non! Un horaire de jour, de soir et de nuit dans la même semaine n’étaient pas rare au travail. J’ai survécu de cette façon quelques mois. La fréquence et l’intensité de mes crises augmentant proportionnellement avec le temps.
Famille
Bâtir une maison, organiser un déménagement et travailler dans un nouvel hôpital à temps plein (de jour), voilà ce qui m’attendait au tournant. Tout en même temps. Ouf ! Et j’endurais la douleur au prix de ces projets auxquels je tenais tant.
Nous avions déjà une fille quand je suis retournée aux études. Elle avait six ans quand nous sommes revenus à Granby après un séjour de sept ans à Sherbrooke. Nous sommes enfin revenus chez nous et avons agrandi la famille d’un petit garçon en 2010.
Quelle joie de porter la vie en soi. Mais quelle bataille de faire reconnaître ma condition comme un frein à ma présence au travail.
J’ai souvent entendu dire que la grossesse n’est pas une maladie. Avec mes symptômes : vomissements, déshydratation, nausées, et bien sûr, mal de crâne… ne venez pas me dire que je peux effectuer mon travail dans ces conditions! D’autant plus que la pharmacopée d’une femme enceinte est considérablement diminuée. Et, trop fréquemment, inefficace.
Une visite à l’urgence, quand mes symptômes se sont retrouvés au top, a finalement fait réaliser à mon employeur que mon cas était plus grave qu’il ne le pensait. Être enceinte n’est peut-être pas une maladie. Cependant, certaines la vivent plus difficilement que d’autres. Une once de compréhension serait de mise.
Après la naissance, j’ai allaité pendant quatre mois. Endurant des crises de migraine très fréquentes, j’avais maintenant accès à plus de traitements. Mais ça ne suffisait pas.
Une prophylaxie jamais essayée, le Topiramate, était disponible. J’ai dû arrêter d’allaiter pour prendre le traitement, qui ne m’a pas convenu finalement. Avoir su, j’aurais continué de nourrir mon enfant.
Avoir su…
Aurai-je fait les mêmes choix si j’avais anticipé les difficultés à affronter pour arriver à mes fins?
Si j’avais su que tout allait s’écrouler? Que le bruxisme me laisserait une migraine bien installée à chaque réveil? Que je ne pourrais plus travailler des journées complètes à heures fixes. Deux heures étant nécessaires à devenir fonctionnelle, tous les matins de ma vie.
Obstacles
Ajoutez à cela, un divorce, une dépression et la difficulté à reprendre pied dans la réalité. De quoi déclencher le cocktail migraine.
Et comme si mon pilulier hebdomadaire n’était pas assez bien garni, on y a ajouté les anti-dépresseurs. Qui, m’ont confirmé les pharmacien·nes puis les médecins, après une prise régulière de plusieurs mois, pouvaient causer mon bruxisme.
Pourquoi ne pas cesser d’avaler les responsables de ce grand désastre qui m’accueille avec une intention maléfique tous les matins?
Eh bien, c’est impossible de les arrêter. La dépression rode et cherche la moindre faille pour assombrir ma vie. Je la sens, toute proche, son souffle dans mon cou.
Bruxisme
Oui, je sais, j’en parle souvent. Ce mal hante ma vie. Il me réveille régulièrement la nuit, accompagné de douleur. À la mâchoire, autour des yeux et aux tempes. Ça s’étend souvent au cou et aux épaules. Ce qui me prive d’un bon sommeil réparateur.
De toute façon, au réveil, le matin, le dilemme est toujours le même. Comment me débarrasser de cette malédiction aujourd’hui? Car ce qui a fonctionné hier ne donnera peut-être pas le même résultat que la veille et le lendemain. Et le reste des jours de ma vie.
Jalousie
Pourquoi avoir nommé ce texte Jalousie? Tout ce que je viens de raconter est vrai. Malheureusement. J’aurais tant voulu être différente.
Être de celles qui foncent dans la vie. Qui n’ont pas à gérer cette douleur tous les jours. Celles qui ont eu la chance de vivre la vie qu’elles souhaitaient. Celles qui ont réussi. Qui ont l’énergie nécessaire pour tout mener de front.
Surtout, celles qui se lèvent du bon pied. Reposées, prêtes à affronter une bonne journée productive au lieu de la craindre. Celles qui font des projets et les réalisent.
Celles qui touchent du bois parce qu’elles ont rarement mal à la tête…
-Marie-Claude Benoit
J’ai l’impression que vous racontez ma vie…Je vous comprends tellement
Après plus de 20 ans de migraines…je suis toujours à jouer avec les traitements. Rien ne convient. J’en ai entre 2 et 20 par mois. 😞