Migraine, un long apprentissage

Par Migraine Québec • Le 24 septembre 2021


Je m’appelle Aude, j’ai 31 ans et je vis en Belgique.

Mes premières migraines remontent, aussi loin que je m’en souvienne, aux environs de mes 18 ans. Cet âge correspond à mon entrée à l’université pour suivre un cursus en Histoire de l’art et Archéologie. Au début, je n’y ai pas beaucoup prêté attention, j’avais juste « mal à la tête », cela arrive, ce n’est pas grave. C’est ma mère qui a remarqué la première que ces « maux de tête » étaient devenus étrangement fréquents et qu’ils se différenciaient de maux de têtes « classiques ».

Au début, les causes avancées pour expliquer ces douleurs sont basiques : trop de stress avec les cours, trop d’heures passées devant un écran d’ordinateur, etc. Après ces premières tentatives d’explications, une certaine inquiétude pousse mes parents à me faire passer un scanner et à consulter un neurologue. Bonne nouvelle, le scanner ne montre rien d’anormal, par contre nous ne recevons pas plus d’explications quant aux migraines. Un traitement de fond m’est proposé. Il n’est pas spécifiquement dédié aux migraineux, car celui-ci est normalement réservé aux personnes souffrant de problèmes cardiaques. Je l’arrête très vite quand mes parents lisent la liste des effets secondaires possibles, mais surtout par manque de confiance dans ce traitement qui semble être un pis-aller prescrit faute de mieux.

Je m’oriente alors vers un ostéopathe qui ouvre la voie d’un long chemin d’apprentissage et d’apprivoisement des migraines. C’est la première personne à m’avoir fait prendre conscience que mes migraines étaient un message de mon corps. À cette époque, une partie de celles-ci survenait systématiquement après mes sessions d’examen, lorsque la pression due aux épreuves redescendait. À partir de là, j’ai dû apprendre à vivre avec ces douleurs dont la fréquence a augmenté au fil des années.

Aujourd’hui, j’ai entre 4 et 8 migraines par mois que je traite avec du sumatriptan prescrit par mon médecin généraliste. Très longtemps, la douleur ne se situait que du côté gauche de ma tête. Elle irradie depuis la zone de l’oreille et pulse vers l’avant du crâne avec cette désagréable impression que mon œil veut sortir de son orbite. Aujourd’hui, les douleurs touchent également le côté droit de ma tête. Curieusement, mes migraines fonctionnent le plus souvent par deux; si j’ai une migraine un jour, je sais que j’en aurai une le lendemain.

Les déclencheurs de ces crises me sont encore en grande partie inconnus, et ce, même après plus de 10 ans. Ma tendance naturelle au stress et un côté perfectionniste sont sans doute une des pistes à explorer, mais ce n’est pas la seule, j’en suis sûre! Mon quotidien, professionnel ou personnel, peut être une source de stress mais cela n’induit pas toujours une migraine. Au contraire, certains jours où tout me semble facile et agréable, la douleur arrive. Cette imprévisibilité est pour moi l’un des aspects les plus fatigants de mes migraines.

J’essaie en général de prendre mes crises avec philosophie, d’accepter la situation et de la gérer au mieux, mais parfois, c’est le découragement qui l’emporte. Ces moments sont souvent suivis de nombreuses questions : pourquoi moi? Aurai-je des migraines toute ma vie? Est-ce que la prise de triptan sur le long terme ne va pas m’affecter d’une autre manière? Une question, plus personnelle, se pose également : pourrais-je avoir un bébé sereinement, m’en occuper s’il pleure alors que je suis en pleine crise?

Beaucoup de questions et assez peu de réponses. Cependant, les choses évoluent, même s’il reste encore beaucoup à faire. L’Europe est à la traine par rapport à l’Amérique du Nord, mais les migraines sont davantage considérées comme une maladie à part entière et pas comme une affection de seconde zone ou, pire, une faiblesse typiquement féminine! Des traitements dédiés arrivent sur le marché, des prises en charge plus spécifiques également. Cela m’aide à en parler plus librement, notamment dans mon cadre professionnel. Lorsqu’une crise m’empêche de partir au bureau à l’heure, je le dis ouvertement. Avant, je préférais trouver une excuse pour ne pas évoquer la migraine, un mot presque tabou, et ne pas donner l’impression que j’étais une personne fragile. Les lignes bougent mais elles ne le font pas seules, il faut bousculer les idées reçues et diffuser l’information. C’est ce que j’ai décidé de faire sur mon lieu de travail.

En septembre 2021, j’animerai un temps de midi consacré au sujet. Celui-ci pourrait déboucher sur des ateliers et une sensibilisation de la hiérarchie au problème spécifique des migraines et des personnes qui en souffrent. Pour moi, il est très important que les non migraineux comprennent de quoi il s’agit et qu’ils différencient clairement un petit mal de tête d’une migraine ou d’une céphalée.

Cette sensibilisation est particulièrement importante, car les migraines se subissent de deux manières : à travers soi-même et les douleurs perçues, à travers les autres et la perception qu’ils ont de vous. Ces regards extérieurs sont divers et variés, tantôt compréhensifs, tantôt indifférents ou dubitatifs. Les pires sont sans doute ceux qui sous-entendent « encore? ». Dans les moments de crises, quand je me sens au plus bas mentalement et physiquement, j’ai avant tout besoin de soutien et de bienveillance et cela peut simplement se traduire par des mots de réconforts et de compréhension.

Les choses avancent, la science aussi. Il faut garder espoir et partager nos expériences au plus grand nombre afin de faciliter, même un tout petit peu, notre vie de migraineux.

–Aude K.


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