Salut, moi c’est Sara.
J’ai 35 ans et je suis étudiante et chargée de projet.
J’ai un diagnostic de migraine chronique depuis un peu plus de 10 ans, mais ça fait presque 20 ans que j’en fait. Mes deux parents en ont fait pendant plusieurs années et je semble avoir « pogné le jackpot ». Avec mon témoignage, j’ai envie de m’adresser à vous, les gens qui nous entourent, et bien sûr, à nous, parce qu’on mérite du doux.
À vous, qui faites partie de notre quotidien : j’ai envie de vous dire qu’on a besoin de vous, de votre soutien. Sentir de la compassion quand on vous annule une activité, que maman/papa ne peut pas s’occuper de vous ou qu’on ne rentre pas travailler aujourd’hui. Je pense que souvent on aimerait seulement se faire rassurer que « c’est ok », malgré que c’est la 4e fois ce mois-ci, et que vous compreniez que ce n’est aucunement volontaire ni personnel. Ça nous aiderait à ne pas culpabiliser davantage. À ne pas s’ajouter cette charge mentale de s’excuser, de se justifier, de s’expliquer.
Je ne sais pas comment vous le dire, mais la migraine, c’est comme la météo : même si on a une bonne idée de la température générale selon la saison, c’est difficile d’avoir des prévisions précises. Faire des plans 7 jours à l’avance, c’est essentiel, mais souvent irréaliste. Faut donc souvent s’ajuster le matin même en conséquence et faire preuve d’une grande souplesse et de résilience.
J’aimerais aussi que vous sachiez que sans vous, on n’y arriverait sûrement pas. Parce qu’en plus de nous rassurer, on a besoin de vous pour continuer, jour après jour, année après année. Parce qu’une maladie chronique (qui engendre des douleurs chroniques)… bien, c’est pas mal dur sur le corps (physiquement) et sur le moral (psychologiquement). Votre bienveillance nous fait un grand bien et nous permet souvent de nous sentir moins seules et seuls là-dedans.
À nous : j’ai envie de nous dire qu’on est hot! Je veux dire, on vit au quotidien en situation de handicap. Ça réduit nos capacités physiques (et souvent psychologiques) en nous mettant des limites. Des limites qu’on ne voudrait pas avoir. Des limites qu’on a souvent et longtemps du mal à accepter et à respecter.
Je sais que la majorité du temps, on se sent impuissantes et impuissants. Je sais qu’on doit passer par plusieurs familles de médicaments (qui elles-mêmes ont plusieurs médicaments) pour arriver, si on est chanceuses et chanceux, à trouver celle qui fonctionne. Mais la majorité du temps, on n’y arrive pas. Je sais aussi qu’on essaie de changer nos habitudes de vie, pour les rendre les plus saines possibles, parce qu’on se fait dire que ça peut juste nous aider.
Pis souvent, il faut aussi gérer nos déclencheurs : « Sorry, mais ton parfum sent trop fort »; « Est-ce qu’on peut fermer les néons? » ; « Non, ce soir, pas d’alcool pour moi »; « Ouais, je sais, j’ai d’l’air d’être dans le vidéoclip de Sunglasses at night »; « Ah! Excuse-moi, j’avais des bouchons dans les oreilles ». C’est lourd pis c’est pesant.
Ça peut prendre des années avant de trouver « LE cocktail » miracle qui va nous permettre d’avoir un semblant de vie normale. Pis malgré tout, on continue à vivre pis à s’épanouir. À fonder des familles, à aller à l’école, à travailler, à avoir des projets personnels et des loisirs, à fêter des anniversaires, à voyager, etc.
Je voulais aussi réaffirmer qu’on est une belle gang dans ce bateau-là pis qu’ensemble, on peut se mobiliser pour commencer à dire un peu plus fort comment on se sent au quotidien et à sensibiliser les gens autour de nous sur le fait qu’on a des limites certes, mais que ça ne fait pas de nous des êtres « inférieurs » ni « trop compliqués ». On est belles et beaux dans notre complexité. On est fortes et forts. Pis on est différentes et différents, tout en restant valides.
Finalement, mon souhait le plus grand serait de trouver un médicament qui m’empêcherait d’avoir des migraines. J’aimerais aussi que l’attente pour consulter un spécialiste soit moins longue. J’aimerais qu’on ait accès à un soutien psychologique au même titre qu’un neurologue, parce qu’on a besoin de cette aide pour arriver à accepter notre condition.
Entre temps, j’aimerais que l’ensemble de la collectivité soit plus sensibilisé (vous comme nous) sur les dernières recherches et les derniers résultats, que ceux-ci soient plus digestes et mieux intégrés dans nos institutions (écoles, milieux de travail) et qu’on s’autorise à avoir un dialogue entre NOUS. J’aimerais ne plus avoir peur de dire aux gens autour de moi que je souffre de migraine par peur d’être stigmatisée et de me faire dire : « Encore une migraine! ». Parce qu’au fond, c’est plus facile de le garder pour soi que de risquer de décevoir les gens : « Oui, je sais. Désolée. Encore une migraine ». J’aimerais qu’on continue à s’affirmer et à partager entre nous nos vécus pour avoir une plus grande portée et nous permettre de continuer à faire avancer notre cause.
–Sara