Une question de trop

Par Marie-Eve Branconnier • Le 27 avril 2022


Ce mois-ci, j’ai eu mon premier rendez-vous pour des injections de botox. En m’y rendant, j’éprouvais un mélange d’excitation et d’appréhension à la fois, non seulement j’essayais un nouveau traitement, mais je rencontrais une nouvelle neurologue, ce qui faisait d’elle ma troisième neurologue dans ma carrière de malade chronique. Par-dessus tout, je dois dire que j’étais très optimiste, optimiste envers ce traitement et optimiste envers ma nouvelle relation patient-médecin. Je ne sais pas si être suivie par une femme cette fois-ci agrémentait mon enthousiasme, en me disant qu’une femme allait nécessairement être plus empathique envers moi qu’un homme pourrait l’être, qu’elle pourrait plus facilement sympathiser, se mettre à ma place. Tout ça pour vous dire que j’arrivais avec un esprit plus ouvert que jamais auparavant.

Je ne sais pas encore si le traitement atteindra mes attentes, mais je peux dire que je suis sortie de mon rendez-vous avec une petite pointe de déception, sans vouloir ne rien enlever à la gentillesse et la courtoisie de ma nouvelle neurologue.

 

Une question de trop

Je ne vous ferai pas languir, ma déception provient d’une simple question, une seule dans la panoplie que m’a posée la docteure. Ma déception ne vient pas du fait que j’ai dû refaire l’inventaire complet des traitements et médicaments déjà essayés, malgré le fait qu’avant elle, c’était son collègue, du même hôpital, qui suivait mon dossier. Ne devrait-elle pas déjà avoir toutes ces informations? Certainement, mais je me dis que ce devait être le protocole, ça ne m’a pas importuné. La seule question qui m’a un peu dérangée est la suivante : « Ok, mais pourquoi tu veux essayer le botox plutôt qu’un autre traitement? »

Avant d’aller plus loin, laissez-moi vous mettre la table, ce que d’ailleurs j’ai eu à faire exhaustivement avant d’avoir droit à cette question. J’ai essayé trois traitements prophylactiques infructueux avant de faire la demande pour le botox : des antidépresseurs, des antiépileptiques et des bêtabloquants. De toute façon, ce n’est pas comme si j’avais eu le choix, il faut avoir trois échecs répertoriés pour avoir accès au botox. Trois traitements que j’ai pris sur plusieurs mois, 6 à 8 plus précisément, avec lesquels j’ai eu énormément d’effets secondaires désagréables, pour enfin avoir droit à un traitement sans effet secondaire à long terme. Mais bon, c’est la procédure, je l’accepte, je l’ai fait. Après quoi s’en suivirent un 2 ans de démarches avec les assurances pour recevoir le « go » tant attendu. Alors si on arrondit grossièrement, disons qu’un bon 4 ans s’est écoulé avant de me retrouver assise devant ma nouvelle neurologue pour me faire poser cette question.

Est-ce moi qui suis traumatisée par des expériences passées, suis-je trop exigeante? Est-ce moi qui donne de mauvaises intentions? Ou est-ce normal que je trouve cette question déplacée, voire insultante? Ok, c’est peut-être le protocole, je ne mettrai pas la faute sur la neurologue, elle était très gentille et douce, je n’ai pas senti qu’elle ne me croyait pas. Disons alors que c’est le protocole, mais pourquoi cette question fait-elle partie du protocole? J’ai répondu à la question, mais je me suis vraiment demandé pourquoi je devais me justifier, encore. Mon dossier ne parle-t-il pas de lui-même, dois-je vraiment m’expliquer?

 

Le protocole

Je ne suis pas stupide, je sais pourquoi cette question est posée, le botox vient avec son bagage, l’esthétique. Je comprends qu’on veuille s’assurer que personne n’essaie de profiter du système, d’avoir du botox « gratos » sous le prétexte d’une condition médicale, je comprends tout ça. Toutefois, ce n’est simplement pas le cas. Pour aucun patient vivant avec la migraine. Oui, je revendique cette affirmation.

D’abord, parce qu’il nous faut passer à travers tout un long processus pour y avoir accès, 4e paragraphe à l’appui. Laissez-moi vous dire que PERSONNE n’attendrait 4 ans pour se faire faire 39 injections dans le crâne s’il souhaitait effacer une petite ride dans son front. Si une personne souhaite avoir une injection esthétique, croyez-moi qu’elle va la payer, elle n’attendra pas 4 ans, n’endurera pas 39 piqûres quand seules 2 ou 3 seraient nécessaires à l’éradication de la fameuse ride, point. Et laissez-moi vous parler de ces 39 piqûres, c’est douloureux, très, aucunement agréable. L’appât du gain est-il si intéressant pour vouloir souffrir plus que nécessaire ? « Il faut souffrir pour être belle ». Non. Il ne le faut pas, je suis la preuve ambulante que souffrir n’a aucune corrélation avec la beauté, sans quoi je serais un top-modèle!

Blague à part, même si je vois la raison derrière laquelle cette question est posée, elle n’a pas lieu d’être. Elle n’a pas lieu d’être même si le fait de voir disparaître sa ride du front avec ce traitement a traversé l’esprit de la patiente, même si elle en est contente.

 

Un choix évident

Vous savez, je me suis beaucoup questionné à la suite de mon inconfort face à cette question, j’ai essayé fort fort que ça ne me frustre pas. « Bon ok, moi j’ai 30 ans, des rides, je n’en ai pas encore vraiment, alors peut-être que j’ai trouvé la question ridicule à cause de ça. Peut-être que pour des femmes un peu plus âgées, ça a du sens de poser cette question. Pour elles, il y a un réel avantage esthétique d’avoir le botox comme traitement. »

Vous savez ma conclusion à cette réflexion?

OUIN PIS.

Pour une fois que les effets secondaires sont positifs et non handicapants, devrions-nous nous sentir coupables de vouloir un tel traitement? Quand bien même la raison de préférer ce traitement est qu’un deuxième avantage puisse ressortir de celui-ci, est-ce si grave? Et entendez-moi bien, on compare ici le botox avec les traitements anti-CGRP, deux traitements très dispendieux, donc l’argument « coût » n’a pas de poids.

Pour moi, la raison, même si elle n’était pas d’ordre esthétique, demeure assez similaire.

  1. PRÉFÈRE. UN. TRAITEMENT. SANS. EFFET. SECONDAIRE.

Ce fut ma réponse, et savez-vous quelle a été celle de ma médecin? « Ah ouin, t’as peur des effets secondaires des anti-CGRP? »

La peur n’a rien à voir là-dedans, j’ai pragmatiquement deux options devant moi, une SANS effets secondaires à long terme, une autre AVEC effets secondaires potentiels. Il me semble que le calcul est simple, la balance penche naturellement plus d’un côté que de l’autre, effet esthétique ou pas!

Alors ma question réelle est la suivante, pourquoi faut-il ENCORE se sentir coupable avec notre maladie? Pourquoi faut-il se sentir gêné de préférer un traitement plutôt qu’un autre? Pourquoi ne pouvons-nous pas simplement avoir LE CHOIX, sans jugement!

Sur cette montée de lait, je conclus en disant que je suis prête à croire que la question fait partie du protocole simplement pour récolter des données, peut-être n’est-ce que cela. Reste que vous ventiler le tout m’a fait du bien, je sais que je ne suis pas seule avec ces frustrations 😊


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4 Commentaires
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Chantal
Chantal
il y a 1 année

Le fameux préjugé que le Botox pour la migraine donnera un beau résultat esthétique est tout à fait erroné. 

Je me suis fait faire du Botox esthétique pour la ride entre les sourcils et avoir une belle courbe de sourcils remontée entre 34 ans et 40 ans. 

J’ai maintenant des traitements de Botox pour la migraine. Ce n’est tellement pas le même résultat… J’ai des rides qui se crées dans les coins externes de mes sourcils. C’est loin d’être une histoire de beaux résultats…

Marie-Eve (auteur)
Marie-Eve (auteur)
il y a 1 année
En réponse à  Chantal

Une raison de plus pourquoi cette question n’a pas lieu d’être !
Merci pour ton commentaire Chantal 🙂

Helene Charly Mathieu
Helene Charly Mathieu
il y a 1 année

Cette question est vraiment nul pcq moi je réagis au Botox le lendemain on dirais que jlai pleurer durant une semaine j’ai les yeux tellement enfler durant une semaine de tant et ensuite par intermittence. Donc une chance que ça diminue l’intensité mes migraine car ça donne aucun résultat esthétique dans mon cas. Et on peu tu avoir le droit de choisir le traitement qui va nous faire du bien et nous faire sentir bien sans se culpabilisé
Ont de sent déjà assez coupable d’être malade
Garder votre sourire. La journée peu encore être belle

Véronique Leclerc
Véronique Leclerc
il y a 1 année

J’ai eu droit à la même question mais moi on ne m’a pas donné le choix: le neurologue m’a dit qu’après les trois traitements expérimentés avec effets secondaires insoutenables je devais passer par les anti-CRGP. Après un an de traitement, je n’ai pas d’effets secondaires indésirables mais toujours des migraines fréquentes. Oui la fréquence a diminué, mais pas suffisamment pour améliorer substantiellement ma qualité de vie. Ma neurologue m’a informée dernièrement qu’elle doublerait la dose de mon injection mensuelle. Si j’avais eu le choix du Botox l’an dernier, j’aurais dit oui comme vous, et cela n’a rien à voir avec l’aspect esthétique !