Expériences négatives de l’enfance (ENE) : un facteur de risque important de la migraine

Par Canadian Headache Society • Le 6 février 2024


Synthèse pour le personnel de la santé

Par Megan Hird, M.D. M. Sc.

La migraine et les autres céphalées primaires sont la deuxième cause d’années vécues avec de l’incapacité (James et al., 2018). Vu le niveau élevé du fardeau fonctionnel associé à la migraine, il est important d’identifier les facteurs de risque de la migraine, et ce faisant, de développer et d’instaurer des interventions ciblées.

Les expériences négatives de l’enfance (ENE) sont des évènements traumatisants vécus entre 0 à 17 ans. Les descriptions initiales des ENE incluaient la violence familiale entre les parents, les abus sexuels et les abus physiques. Au fil du temps, cela s’est élargi pour inclure être victime ou témoin de toute forme d’abus (physique, sexuel et/ou émotionnel), de négligence (physique ou émotionnelle), vivre le décès d’un membre de la famille, et l’exposition à /autre forme de dysfonctionnement au sein de la famille (abus de substance, trouble de santé mentale, tentatives de suicide, séparation ou divorce des parents). Et plus récemment, les problèmes à l’école et avec les pairs (p. ex. intimidation) sont apparus comme des considérations importantes lorsqu’on dépiste les ENE (Polese et al., 2022). Par ailleurs, plusieurs allèguent que le dépistage des ENE devrait s’étendre au-delà de l’enfance, jusqu’à l’âge de 25 à 30 ans, lorsque le cerveau a terminé son développement.

Une étude fondée sur un sondage à travers les États-Unis et le Canada a déterminé que 58 % des personnes atteintes de migraine ont des antécédents d’ENE (Tietjen et al., 2010). Étant donné que la définition des ENE était limitée à la présence d’abus et de négligence seulement, la prévalence de toutes les formes d’ENE pourrait être encore plus grande. De plus, il y a des données solides appuyant une relation dose-réponse entre les ENE et les céphalées; l’augmentation du nombre d’ENE rapportées entraînant une association plus forte (Sikorski et al., 2023).

On pense que la dysrégulation de la réponse au stress lors de la période critique du neurodéveloppement joue un rôle essentiel dans la relation entre les ENE et la migraine. De plus, différentes catégories d’ENE peuvent influencer le développement de céphalées par des mécanismes distincts. On pense que les ENE traditionnelles de « maltraitance » (p. ex. être victime ou témoin d’abus physiques, sexuels et émotionnels) perturbent le fonctionnement de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HHS) et de l’amygdale. En revanche, les ENE de « négligence » (p. ex. négligence, séparation/divorce des parents, perte d’un membre de la famille) peuvent mener à une ramification dendritique réduite et à un surélagage des synapses (Sikorski et al., 2023). Au-delà de ces deux mécanismes proposés, il est probable qu’il y en ait plusieurs autres qui soient importants et ils peuvent différer selon le type d’ENE, l’âge et la durée de l’exposition, et la présence de facteurs atténuants ou protecteurs. Les relations de soutien, et les ressources enrichissantes, appelées expériences protectrices et compensatoires (EPC) atténuent l’impact des ENE et peuvent inclure l’amour inconditionnel d’un aidant, faire du bénévolat dans la communauté, demeurer dans un foyer sécuritaire et recevoir une bonne éducation (Morris et al., 2023).

Quel que soit le mécanisme exact, l’exposition à un traumatisme et à l’adversité tôt dans la vie peut avoir un impact négatif sur la cognition, les émotions et le fonctionnement social (Zamir et al., 2023). Ce processus cognitif et émotionnel inadapté peut agir comme un obstacle significatif du contrôle réussi de la migraine malgré les traitements pharmacologiques basés sur les données et l’éducation. Bien que les thérapies psychologiques actuelles (TCC, pleine conscience) montrent des bienfaits modestes sur la migraine (Zamir et al., 2023), les thérapies axées sur le traumatisme peuvent être une partie intégrale du contrôle réussi de la migraine chez ceux et celles ayant vécu des ENE, en association à des interventions pharmacologiques et éducatives. En outre, la reconnaissance des EPC actuelles et durant l’enfance (Morris et al., 2023), de même qu’établir de nouvelles relations de soutien et de vivre des expériences enrichissantes peuvent être des stratégies thérapeutiques bénéfiques.

En résumé, les ENE sont un facteur de risque important chez les personnes vivant avec la migraine et d’autres céphalées primaires, appuyant ainsi le dépistage régulier et exhaustif des ENE. La présence d’ENE peut représenter un obstacle significatif au traitement efficace par les interventions pharmacologiques habituelles et comportementales traditionnelles. Les interventions psychologiques d’appoint axées sur le traumatisme jouent probablement un rôle essentiel dans le contrôle réussi de la migraine avec ENE comorbides.

Cet article est une gracieuseté de la Canadian Headache Society et ne peut être reproduit sans autorisation.

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Références

  1. James SL, Abate D, Abate KH, et al (2018) Global, regional, and national incidence, prevalence, and years lived with disability for 354 diseases and injuries for 195 countries and territories, 1990–2017: A systematic analysis for the Global Burden of Disease Study 2017. The Lancet 392:1789–1858.
  2. Polese D, Belli A, Esposito D, et al (2022) Psychological disorders, adverse childhood experiences and parental psychiatric disorders in children affected by headache: A systematic review. Neuroscience and Behavioral Reviews 140:104798.
  3. Tietjen GE, Brandes JL, Peterlin BL et al (2010) Childhood maltreatment and migraine (Part I). Prevalence and Adult Revictimization: A multicenter Headache Clinic Survey. Headache 50:20-31.
  4. Sikorski C, Mavromanolis AC, Manji K et al (2023) Adverse childhood experiences and primary headache disorders. Neurology 101:e2151-e2161.
  5. Morris A, and Hays-Grudo J (2023) Protective and compensatory childhood experiences and their impact on adult mental health. World Psychiatry 2023 Feb 22(1):150.
  6. Zamir O, Yarns BC, Lagman-Bartolome AM et al (2023) Understanding the gaps in headache and migraine treatment with psychological and behavioral interventions: A narrative review. Headache 63:1031-1039.

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