La culpabilité

Par Maryse Loranger • Le 27 mai 2022


Il m’arrive souvent de lire des commentaires de gens qui  disent vivre de la culpabilité pour différentes raisons. Pour chacun et chacune, la culpabilité se manifeste sous différentes formes. Ça peut être de ressentir une baisse d’énergie pour jouer avec les enfants comme on le souhaiterait, un manque de temps pour accomplir notre « to-do list » comme avant, le manque de patience, de temps à autre, envers quelqu’un de notre entourage ou même envers soi-même, un souvenir du passé qui nous harcèle par l’idée qu’on s’en est fait et tous les «j’aurais donc dû» faire les choses autrement.

De mon côté, je pourrais continuer longtemps, parce que ce ne sont pas les opportunités qui manquent pour me sentir coupable; comme mes plantes qui manquent d’eau, les mauvaises herbes qui repoussent, les rendez-vous d’amies annulés, les activités sociales cancellées, les conversations téléphoniques repoussées, les cours en ligne abandonnés, les repas trop vite faits et pas très santé, toutes les fois que je dois dire non parce que j’ai la migraine, sans oublier mes jambes… Un rasoir? C’est quoi ça?!

Il y a des exemples plus cocasses que d’autres, mais quand même, s’il y a quelque chose que j’ai appris comme sentiment avec la migraine chronique, c’est la culpabilité. Mettre ses limites résulte à rendre une explication, et pendant qu’on le fait, la sensation inéluctable de la culpabilité fait son chemin au niveau de l’organe le plus sollicité chez les gens qui vivent avec la migraine, le cerveau! Vous me direz peut-être “mais non Maryse, tu n’as aucune explication à donner à qui que ce soit et arrêtes de te sentir mal”. Mais ma réalité à moi en va bien autrement. Ça fait un « sapré » bout de temps que je travaille sur mon petit moi-même pour déculpabiliser mes limites (sapré vient du mot sacré que j’ai tiré des expressions de ma mère, qui l’a elle-même tiré des expressions de sa mère. À la place, on peut dire bigrement, bougrement, diablement, foutrement, ou vachement, mais je ne trouvais pas ça naturel).

Les moments où je pratique le principe des limites, je me retrouve souvent face à une résistance. Vous connaissez peut-être ces foutus commentaires qui nous déstabilisent, nous gèlent sur place ou nous font rapetisser comme une Alice au pays des merveilles? Pour vous situer dans le conte, c’est au début : Alice suit un lapin en redingote jusque dans son terrier. Elle trouve ensuite une clé qui conduit à un jardin. Elle boit une boisson et mange un gâteau qui la fait rapetisser, afin qu’elle puisse entrer dans le jardin.

Bien, c’est comme ça que je me sens. J’ai beau tenter l’attitude zen, sage ou détachée (au choix selon l’état d’esprit du moment), à garder la tête haute et les épaules en arrière, je finis par me sentir très petite et coupable. Mais ce sentiment ne sert absolument à rien. C’est un sentiment absolument inutile qui n’améliore aucune situation ni ne rend plus heureux.

La culpabilité de la douleur

J’ai lu dernièrement que toutes les douleurs reflètent la culpabilité. C’est un peu une manière d’expliquer que lorsqu’on vit ce sentiment de culpabilité, on fait inconsciemment appelle à une punition, ne serait-ce que par nos pensées négatives, notre propre autocritique, qui à leur tour nous déclenchent une douleur.

Selon Louise Hay, écrivaine de plusieurs livres de développement personnel, dont le plus célèbre «Transformez votre vie»:

Les douleurs chroniques proviennent de la culpabilité chronique, souvent si profondément enfouie que nous n’en sommes même plus conscients.

Elle décrit le cerveau comme l’ordinateur de notre corps, le sang comme étant la joie et les veines et les artères comme étant les voies de transport pour cette joie. Bien alignée avec la pensée d’Einstein, notre existence est réglée selon les lois et les actions de l’amour.

Il est clair que nos pensées négatives peuvent prendre toute la place selon la situation et le contexte de notre vie et peuvent donner l’impression d’obstruer notre cerveau. Ces pensées deviennent de plus en plus dérangeantes, jusqu’à empêcher la joie d’y entrer. Essayer de regarder une comédie quand vos pensées ruminantes ne cessent de tourner est vraiment difficile. Ce jeudi, je revenais d’une journée à l’hôpital au chevet de ma mère qui est tellement vulnérable en ce moment. Je ne cessais de m’inquiéter sur ce qui pourrait arriver d’ici le lendemain. Puis bam! J’étais prise dans le gros traffic jam de la circulation de 15h sur l’autoroute 40 à l’approche de la 25 (c’est un nouveau phénomène, le jeudi, il y a plus de trafic que le vendredi et encore plus tôt que jamais). Il me restait juste 2 lignes d’essence! Ça n’avançait pas et mon seul focus a été mes deux lignes d’essence. Croyez-moi, les signes précurseurs de la migraine se sont manifestés solidement. Le temps pour trouver ma boîte de triptans, une petite boîte en carton qui ne se tient pas, écrasée au fond de ma sacoche, m’a semblé une éternité et quand j’ai réussi à détacher un petit sachet et à décoller sa pellicule, bien hop, il est parti! C’est en saut périlleux que mon petit triptan a glissé de mes doigts, rebondi je ne sais où et me voilà prise à retenter la manœuvre. Pendant ce temps-là, les voitures avancent au millimètre près et tout le monde semble sur le 220 volt.

La circulation dans notre cerveau est similaire. On peut être bloqué à n’importe quelle intersection de pensées et y demeurer plusieurs heures. Et comme un disque qui saute (un vinyle des années ‘80 bien sûr!), on est là à revoir la scène et à réentendre les mots en boucle.

La culpabilité de la douleur de l’autre

Dans le Larousse, on trouve cette définition de la culpabilité :

“ Sentiment de faute ressenti par un sujet, que celle-ci soit réelle ou imaginaire. “

Dernièrement, je suis devenue proche aidante de ma mère, depuis son accident d’auto du 31 mars 2022. Depuis cette date, elle a subi de multiples fractures aux côtes, au sternum et à la clavicule, un infarctus, une amputation de la jambe gauche et la COVID-19. Six semaines plus tard, les différents médecins spécialistes me donnent tous leurs pronostics. Poumons, check! Signes vitaux, check! Reins, check! Jambes, check! Le seul hic, elle ne mange pas, elle ne veut plus manger ni boire. Elle subit ni plus ni moins les contrecoups des traitements pour sauver sa vie de la COVID-19 , au détriment de la perte de sa masse musculaire, adipeuse, le goût de manger ou boire, et tout le reste, dont une dénutrition accélérée et irréversible. Ma mère est clouée dans un lit d’hôpital avec une souffrance psychologique sans limite.

Voici comment mon sentiment de culpabilité se montre la face. Pendant que je vous écris, je ne suis pas auprès d’elle. Je me sens coupable de ma grande fatigue et de ma migraine qui ne se lasse pas de me bombarder la tête. Je suis le pont de communication entre elle et ses petits-enfants. Je suis le pont entre elle et le personnel soignant, car elle est trop affaiblie pour demander ou communiquer ses besoins. Je suis le pont entre elle et sa prise d’Ensure ou de soupe Lipton, sa gorgée d’eau et ses soins de bouche. Je suis ce pont entre ma mère et les personnes ayant gravité autour d’elle et qui, de par leurs croyances, leurs valeurs et leurs égos, s’ingèrent dans la situation avec leurs opinions.

La douleur de l’autre est projetée sur moi comme une douche de culpabilité, à l’eau dure et froide. Il y a de ces gens que pour laisser aller leur propre culpabilité, ils ne trouvent d’autres moyens que d’éclabousser les autres. J’essaie de comprendre en citant un personnage célèbre “Pardonnez-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font”.

La migraine est en veille, un peu comme mon écran qui tombe tout noir quand il n’y a pas d’activité. Très sincèrement, j’espère qu’elle restera en veille et qu’elle me laissera accomplir la plus grande mission de toute ma vie. Accompagnée de mon frère, demain matin, nous allons au front pour nous battre pour notre mère, pour sa dignité. Ma migraine veille, mais me donne cet espace de courage et de clarté d’esprit pour aider à mettre en œuvre le meilleur plan possible pour apporter réconfort, douceur et soutien.

Pensez à vous et prenez grand soin de vous.

Aidons-nous les uns les autres à vivre dans le respect, l’écoute et la compassion.

C’est ce que je nous souhaite à toutes et à tous, de tout mon cœur,

Avec douceur,
Maryse


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4 Commentaires
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Louise
Louise
il y a 1 année

Très beau texte touchant, humain et tellement senti. Merci de partager. Tes écritures nous font apprécier la vie.

Jo-Anne Marie Vanier
Jo-Anne Marie Vanier
il y a 1 année

Merci Maryse de partager ce texte, je t’avoue que tu m’as fait vivre des émotions à fleur de peau. Fais attention à toi. xxx

Nathalie
Nathalie
il y a 1 année

Quel beau texte. Ton écriture est magnifique. Bon courage avec ta maman et merci de partager avec nous.