La migraine hémiplégique

Par Dr Liam Durcan • Le 14 juillet 2022


La migraine est une affection assez courante qui touche de 15 à 20 % de la population. Dans sa manifestation la plus caractéristique, qui est observée dans la plupart des cas, elle prend la forme de maux de tête particulièrement aigus. Pourtant, certains sous-types de migraine présentent d’autres symptômes graves susceptibles d’entraîner une certaine confusion, mais qui pourraient nous aider à mieux comprendre les causes de la migraine. Un de ces sous-types est la migraine hémiplégique.

Définition

Le terme « hémiplégique » indique qu’un côté du corps est frappé d’une faiblesse motrice. Cette faiblesse et son caractère réversible sont les traits caractéristiques d’une crise de migraine hémiplégique. La Classification internationale des céphalées pousse plus loin la description en incluant d’autres symptômes liés à une aura (altération passagère de la vision ou de la parole) pouvant accompagner cette faiblesse réversible, de même que le moment typique d’apparition des symptômes et le nombre de crises permettant d’établir un diagnostic.

Prévalence

Si la migraine touche de 15 à 20 % de la population, la prévalence de la migraine hémiplégique est beaucoup plus faible. Selon une estimation, elle toucherait 0,01 % de la population (soit une personne sur 10 000) 1 , et les cas seraient répartis de façon quasi égale entre ceux présentant des antécédents familiaux et ceux qui en sont dépourvus (appelés cas sporadiques).

Caractéristiques

La migraine hémiplégique est un sous-type de migraine avec aura. L’aura signale une crise de migraine imminente ayant des caractéristiques distinctives liées à l’activation d’un mouvement lent dans l’enveloppe extérieure du cerveau, le cortex. Le phénomène peut faire penser à une vague électrique se déplaçant lentement et traversant des régions du cerveau responsable de différentes fonctions. Son point de départ est habituellement la région occipitale (l’arrière du cerveau). Les gens font parfois état de symptômes visuels (taches, étoiles ou motifs éblouissants en zigzag) ou sensoriels (fourmillement sur le visage et les mains) ou encore de problèmes d’élocution ou de compréhension. La faiblesse ressentie dans la moitié du corps survient souvent après ces premiers symptômes, qui apparaissent d’ordinaire dans des intervalles de quelques minutes. La confusion et la fatigue sont également possibles. Le tout est presque toujours accompagné de maux de tête, habituellement aigus. La première crise de migraine hémiplégique survient habituellement entre l’âge de 10 et 20 ans. Les patients sont donc souvent évalués une première fois par des pédiatres à l’urgence ou par des neuropédiatres.

Tout patient présentant une faiblesse motrice sur un côté du corps est traité comme un cas d’urgence neurologique : cela signifie qu’il y a un dysfonctionnement dans la moitié du cerveau (l’hémisphère) opposée au côté affichant la faiblesse. Si le patient n’est pas connu pour souffrir d’une migraine hémiplégique, il faut alors envisager bon nombre de maladies comme cause potentielle : accident vasculaire cérébral ou hémorragie cérébral (qui sont inhabituelles, mais pas impossibles chez un enfant) ou encore convulsion (une région du cerveau qui entre en convulsion peut entraîner des tremblements du côté opposé du corps suivis par une faiblesse passagère). Lorsque le patient a un antécédent de migraine, en particulier de migraine avec aura, le diagnostic de migraine hémiplégique devient alors plus probable. Cela dit, il faut tout de même procéder à des tests, en particulier des imageries cérébrales (tomodensitométrie et imagerie par résonance magnétique) et un électroencéphalogramme (qui évalue l’activité électrique du cerveau et permet de détecter toute activité associée à une convulsion), afin d’écarter la présence de problèmes plus graves. Les imageries cérébrales sont généralement normales chez les patients aux prises avec la migraine hémiplégique.

À l’occasion, une scintigraphie de perfusion est réalisée pendant l’épisode, afin de mesurer la circulation sanguine dans le cerveau. En cas d’accident vasculaire cérébral, un tel test révélerait une diminution de la circulation sur le côté affecté. Avec la migraine hémiplégique, plusieurs anomalies ont été signalées, comme une diminution de la quantité de sang circulant dans le cerveau chez certains patients et une augmentation du volume sanguin sur le côté affecté chez d’autres, ce qui découle probablement d’une dilatation (ou gonflement) des vaisseaux que l’on observe avec la migraine (et dont on soupçonne qu’elle contribue à la douleur pulsative ressentie par de nombreux migraineux). Les explications de ces résultats contradictoires en apparence pourraient être attribuables au moment de la réalisation des tests. En effet, certains chercheurs ont avancé que le processus pourrait impliquer une diminution momentanée suivie d’une augmentation du débit sanguin en guise de compensation. L’électroencéphalogramme peut présenter d’autres anomalies, mais celles-ci diffèrent de celles observées avec les troubles convulsifs.

Une crise de migraine hémiplégique se résorbe habituellement en moins de deux heures, mais certains cas d’exception font état de symptômes s’étendant sur plusieurs jours. Le diagnostic repose donc sur les antécédents et sur la manifestation des symptômes, après l’élimination des autres causes potentielles. En l’absence d’antécédents familiaux, le diagnostic en sera un de migraine hémiplégique sporadique. Les antécédents entraîneront un diagnostic de migraine hémiplégique familiale, auxquels cas un dépistage génétique pourrait être recommandé pour déterminer le type de mutation présente chez le patient. Premiers éléments de réponse de la génétique. Nous savons depuis un bon moment que toutes les migraines ont un fondement génétique. Près de 38 mutations distinctes ont une prévalence plus élevée chez les migraineux, et bon nombre de ces derniers sont porteurs de plus d’une mutation, ce qui explique la grande variété des formes que prend la maladie chez différentes personnes. Ainsi, malgré la division courante entre migraine hémiplégique familiale et sporadique, la génétique est à l’œuvre dans les deux groupes, et elle se manifeste de façon différente.

On associe la migraine hémiplégique familiale à trois mutations connues. Toutes ces mutations affectent les fonctions des canaux ioniques, des protéines agissant comme des passerelles miniatures permettant l’entrée de particules ayant une charge électrique (comme le sodium, le calcium et le chlorure) dans les cellules nerveuses. Ce mécanisme est vital pour l’activité des cellules nerveuses. Des études sont en cours pour déterminer d’autres mutations susceptibles de causer la migraine hémiplégique familiale. Ces mutations génétiques sont transmissibles dans une très grande proportion. En effet, les personnes aux prises avec la migraine hémiplégique familiale la transmettront à leur descendance dans 50 % des cas (un peu comme un tirage à pile ou face). Une personne qui hérite du gène ne développera pas automatiquement la maladie, mais 70 à 90 % des gens qui sont porteurs d’un des gènes identifiés et qui ont des antécédents familiaux éprouveront des symptômes de migraine hémiplégique. (Sutherland HG et al. J Headache Pain 2019) La plupart des patients ayant un diagnostic de migraine hémiplégique n’ont pas d’antécédents familiaux, mais ils peuvent tout de même être porteurs des mutations connues (les données sur les antécédents ne sont pas toujours exactes, et la mutation génétique se s’exprime pas nécessairement chez toutes les personnes porteuses).

Évolution

Les crises de migraine hémiplégique tendent à se faire moins fréquentes et moins virulentes avec l’âge. Elles peuvent être provoquées par des traumatismes crâniens, des infections virales ou un stress émotionnel intense.

Traitement

Étant donné la grande rareté de la migraine hémiplégique, il y a peu de données sur le traitement optimal de cette maladie. De manière générale, les patients sont exclus des essais de médicaments, et de nombreux médecins évitent le recours aux triptans (un traitement interruptif contre la migraine) par crainte de créer des problèmes de circulation sanguine, mais aucune étude sérieuse ne démontre que ces patients présentent des risques plus élevés d’accident vasculaire cérébral. Lors d’une crise aiguë, les patients reçoivent des traitements symptomatiques, comme des traitements d’hydratation intraveineuse et de soulagement des maux de tête.

Il n’existe aucune orientation claire sur les médicaments préventifs les plus efficaces. La plupart des articles médicaux portent sur des personnes seules ou de petits groupes. Un inhibiteur calcique, le vérapamil, a été utilisé avec un certain succès, de même que certains médicaments qui ne sont pas couramment utilisés avec la migraine, comme l’acétazolamide.

 


1. Thomsen L et al. Cephalalgia. 2002;22(5):361.
2. Roth C, et al. Multimodal imaging findings during severe attacks of familial hemiplegic
migraine type 2. J Neurol Sci. 2018;392:22–7.


 


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