La vérité sort de la… poche à pâtisserie!

Par Mélissa Mitchell • Le 12 décembre 2015


Quand la vie nous force à revoir nos façons d’agir, on entreprend un (très) long chemin de croix. On réalise d’abord ce qui nous pousse à reproduire certains comportements. On cherche ensuite à enrayer ceux qui nous sont plus néfastes que bénéfiques. C’est là que le combat contre soi-même débute, parce qu’on lutte contre des façons de faire qui sont devenues des réflexes.

Au fil de mon processus psychologique, j’ai noté de petites améliorations, quelques grands changements, des écueils, des rechutes. Prise dans le cycle des hauts et des bas de la douleur chronique, j’ai souvent eu l’impression que mes efforts ne portaient pas fruit. Je m’efforce donc de noter mes bons coups chaque semaine, aussi subtils soient-ils : je me rappelle ainsi que même si je ne m’en rends pas toujours compte, j’évolue.

Parfois, je tombe avec reconnaissance sur une situation qui cristallise mes progrès et qui me propulse vers l’avant. C’est ce que j’ai vécu en préparant le gâteau d’anniversaire de mon fils pour ses 3 ans. J’ai réalisé que mon évolution psychologique se mesurait à la manière dont je gérais cet événement…

Quand mon fils a eu un an, j’ai convié toute la famille pour ce moment où mon fils goûterait enfin à du chocolat. Je n’ai jamais vraiment aimé la pâtisserie (ça semble comme les migraines, ça : héréditaire !), mais je tenais mordicus à préparer et décorer moi-même ZE gâteau. C’était non-négociable : c’était pour moi un geste d’amour envers mon fils et mes proches. Je venais de recommencer à travailler 2 semaines plus tôt et j’étais très fatiguée, mais en préparant mon gâteau thématique « jungle »le samedi, j’ai eu peur d’en manquer. J’ai donc fait un deuxième gâteau en « tête de singe » pour rassasier mes 30 convives (vous devinez qu’il en est finalement resté… l’équivalent d’un gâteau !). J’ai passé mon samedi à cuire et décorer deux gâteaux, armée d’une poche à pâtisserie que je manœuvrais pour la première fois (je vous épargne les mots d’église… !).Quand j’ai accueilli mes convives le lendemain, j’étais cernée, mais satisfaite de mon œuvre et ce fut une fête géniale. Je me suis rendu compte par la suite que ce n’était pas optimal de m’épuiser pour arriver au résultat convoité, mais à cette époque, j’agissais ainsi dans toutes les sphères de ma vie.

Mon duo épuisement/migraines chroniques ayant eu raison de mon invincibilité quelques mois plus tard, j’ai entamé une thérapie durant l’hiver 2014. Quand est arrivé l’automne, je me suis rappelé combien je m’étais drainée pour le premier anniversaire de mon fils : j’ai donc décidé de modérer mon ardeur. J’ai réduit le nombre de convives aux grands-parents et arrière-grands-parents. Pas question de sous-traiter le gâteau, j’ai préparé mon gâteau « train » en plusieurs jours.Cuisson le vendredi, glaçage le samedi, anniversaire le dimanche. J’avais compris qu’en faire un peu chaque jour était moins épuisant. Mes Smarties ayant givré lors de leur passage au frigo, mon conjoint m’a proposé d’aller en racheter, mais j’ai réussi à lâcher-prise et à lui dire « non non, on va les laisser comme ça ». J’étais plus en forme et reposée le jour J, mais trois journées de préparation ainsi que la fête, ça demeure une grosse activité quand on souffre de migraine chronique et les jours suivants ont été difficiles.

Cette année, je me suis rappelé mes bons et moins bons coups. J’ai préparé mon gâteau une semaine plus tôt et je l’ai congelé. J’ai façonné des cônes et des pancartes pour ma thématique « chantier de construction » avec du fondant sur plusieurs jours, quelques minutes par jour. J’ai finalement glacé mon gâteau le jeudi et je l’ai recongelé. Mon glaçage n’a pas aimé le congélateur : il a fendillé et changé de couleur, mais après tout j’avais la thématique parfaite pour un gâteau imparfait (notez ici que j’ai accepté l’imperfection… une première !). Le dimanche, ça m’a pris 15 minutes pour finaliser mon gâteau et j’ai ensuite pu laisser mon fils l’admirer toute la journée. J’étais relaxe. Et très heureuse d’avoir préparé le tout en avance, parce que ce jour-là en plus de la migraine j’avais le rhume, donc je me suis allongée à plusieurs reprises. J’ai annulé l’idée d’aller chercher des ballons parce qu’on manquait de temps. Quand les invités sont arrivés, j’étais reposée. Pour la première fois, ce week-end s’est passé sans disputes. Sans remontrances de mon conjoint, qui m’a au contraire félicitée. Mon fils était comblé et moi j’étais très fière de ma gestion d’énergie.

En peaufinant mon gâteau, j’ai réalisé qu’alors que je rue dans les brancards avec la notion d’acceptation de la maladie (que j’ai longtemps associée à « résignation », on y reviendra), c’est exactement ce que j’ai réussi à faire, accepter. Pour mener à terme certaines activités exigeantes, je dois les décortiquer en plusieurs étapes, prioriser le plus important, laisser tomber le superflu, prendre du temps pour me reposer. D’agir ainsi alors qu’auparavant je menais divers projets de front est très ardu, mais en douleur chronique c’est très payant.

Le plus épatant dans tout ça, c’est que chaque étape s’est faite dans le calme et le plaisir. Je n’ai pas vu la création du gâteau comme une tâche, mais comme un loisir. J’ai vraiment eu du fun à créer chacun de mes cônes orange, et pour la première fois je n’ai pas pesté contre mon glaçage. En diminuant mes standards de perfection et mes exigences envers moi-même, je suis finalement arrivée au plus beau gâteau que j’aie produit.

En maniant ma crème au beurre, la vérité s’est imposée : j’ai réellement changé. Il y a trois ans, j’aurais refait mon glaçage craquelé et je serais allée chercher des ballons au lieu de me reposer. Je suis parvenue à mettre en pratique les notions de gestion d’énergie que la maladie chronique m’impose. Mieux que ça, je trouve que cette contrainte est un enseignement à appliquer dans ma vie pour le futur, douleur ou pas. Je suis extrêmement fière de mon œuvre. Et je ne parle pas de mon gâteau, ici…

-Mélissa


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