S’engager envers soi

Par Maryse Loranger • Le 19 décembre 2022


Ça fait longtemps que je voulais écrire sur le deuil. Bien sûr, on associe la plupart du temps le deuil à la perte d’un être cher. C’est très pertinent d’en parler alors que nous sommes si proches du temps des Fêtes. Pour plusieurs d’entre nous, ce sera un premier Noël sans cette personne qui occupe une place importante dans notre vie. S’ensuivra le premier Jour de l’An. Et viendront ensuite toutes les premières à chaque fête ou date anniversaire. C’est grand et c’est une longue période de réminiscence de souvenirs, qu’ils soient doux et agréables ou non.

Il y a aussi tous ces deuils que nous, les personnes vivant avec la migraine, portons en nous ou avons dû porter au cours de cette année 2022. Le deuil d’une carrière professionnelle. Le deuil d’une vie active sur le plan social. Le deuil d’une relation de couple ou de la belle-famille avec qui l’on a tissé des liens affectifs et amicaux. Le deuil d’un style de vie. Ce n’est pas la même chose, me direz-vous? Peut-être devons-nous davantage parler de perte? 

Ce texte vise donc à parler de la notion des deuils que l’on doit faire suivant la perte d’une partie de notre santé. C’est personnellement un sentiment humain que j’ai ressenti à maintes reprises alors que j’avais la sensation viscérale que la vie me bousculait vers l’inconnu. Voyageant d’une vie stable vers une vie vide de sens. Avançant avec détermination sur un sol bien ferme pour être lancée sans parachute dans un espace vide. Ressentant une absence de paix intérieure parce que, sans crier gare, la vie m’avait retiré ce que j’avais tenu pour acquis. Ou juste parce que je n’avais pas l’idée que les choses changeraient de sitôt. Et parce que je ne m’étais pas préparé au changement. Et que les volte-faces sont toujours surprenantes. Que la vie peut nous obliger à nous remettre en question dans nos contradictions et nos insécurités. 

Enfin, comme vous le savez, ceci est un blogue dans lequel je livre mes pensées au même rythme que je peux dévorer un succulent gâteau tout frais sorti du congélateur après avoir attendu avec toute la patience du monde d’y piquer ma fourchette avec grande impatience. Et vous, comment mangez-vous votre dessert préféré?

Faire son deuil

L’origine de cette expression date du XIXe siècle. Le mot deuil vient du latin « dolus», et signifiait la douleur qui s’appliquait à une chose qui disparaissait. Plus tard, le mot deuil s’est étendu aux personnes défuntes pour exprimer le sentiment de résignation. Suivant cette définition, on peut donc appliquer l’expression de “faire son deuil” au sentiment de se résigner douloureusement à la perte de quelque chose. Cette chose peut, dans mon cas et peut-être la vôtre, être une santé optimale, une vie telle qu’elle était ou comme elle fût imaginée. 

À travers mes recherches de mieux-être et surtout de cohabitation avec la douleur associée à la migraine, j’ai vu quelques psychologues afin de m’aider à cheminer avec l’idée de me résigner ou faire mon deuil et accepter ma “mauvaise” santé. On parle de psychologie d’acceptation ici. Dans mon cas, ce fut un désastre. Accepter quoi? Accepter que la résignation soit la meilleure solution? Que je ne peux rien y changer? No way José! Absolument pas! J’ai le désir de trouver des stratégies pour aller mieux et même de mieux en mieux! Au pire, je subirai encore des crises. Au mieux, je réussirai à mieux les contrôler. Et au mieux des mieux, j’en aurai de moins en moins, passant du statut chronique à épisodique. Parce que oui, il est démontré qu’il est possible de changer de statut! Pourquoi pas? La vie est ponctuée d’impermanence. Pourquoi en serait-il autrement pour la migraine? 

S’engager

Et hop là! Je lis ceci sur le site de l’Association québécoise de la douleur chronique :

En résumé, accepter la douleur n’est surtout pas se résigner et adopter une attitude passive, mais plutôt investir dans sa qualité de vie et demeurer actif. En fait, il s’agit de s’engager dans la vie, et ce, même en présence de la douleur. [consultez la source ici]

Merveilleux! J’abonde dans ce sens. Je me donne donc la permission d’accepter la seule chose acceptable pour moi et qui est de continuer à faire des pas vers MON mieux-être. Je me donne la permission de m’engager dans ma vie.

Un travail intérieur est nécessaire. Dans mon cas, c’est en solitaire que j’ai pris la décision de reprendre pied dans une vie qui n’aurait jamais été la mienne si ce n’avait été de la perte d’une carrière professionnelle dans laquelle j’avais mis tant d’efforts. Ma santé ne me le permettant plus, il fallait me reconstruire malgré un espace-temps encore incertain. Tout ce travail de retournement ne s’est pas fait instantanément, mais sur des années. Comme le cultivateur qui laboure son champ, j’ai labouré le champ de mon intériorité afin d’intégrer ma nouvelle réalité. Des mécanismes de confiance m’ont permis de dynamiser mon cheminement vers, non pas cette résignation dont j’ai parlé plus haut, mais bien vers l’adaptation de mes intérêts. 

Je vous partage ces quelques pensées de Frédéric Lenoir que je trouve tellement inspirantes:

Il suffit de se mettre en position d’écouter, de recevoir et surtout d’accepter de changer de regard…Voir au-delà des formes l’invisible énergie qui fait croître les plantes et éclore la beauté, trouver en soi le désir de grandir, de dévoiler le sens des choses et en méditer le mystère aussi…La vie est à saisir ici et maintenant, en sa totalité et sa sacralité. Elle est le plus extraordinaire laboratoire alchimique imaginable, celui dans lequel chacun peut se transformer et transmuer la boue en or.

Le défi de se reconstruire est de taille, certes, mais possible. Je vous écris ces quelques lignes en espérant qu’elles sauront vous parler, sachant que leurs échos ne peuvent s’entendre qu’au plus profond de soi dans un espace-temps propre à chacun·e.

Avec douceur,

Maryse

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6 Commentaires
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Alex DeSources
Alex DeSources
il y a 1 année

Très beau texte Maryse. Merci! Dans la douleur ou la maladie est successif, multicouche et nourrissant à la fois. Il ouvre des espaces incréés que l’on découvre pas à pas… gros câlin 🥰

Maryse
Maryse
il y a 1 année
En réponse à  Alex DeSources

Merci Alex pour tes bons mots. Je te souhaite de très belles Fêtes et un super beau voyage avec ta famille!

Maryse Bonsaint
Maryse Bonsaint
il y a 1 année

Je suis passé par les mêmes étapes que toi, deuils ++, thérapies ++ etc je perçois que Tu parles surtout d’espoirs! Quand je me suis fait dire à plusieurs reprises « y’a plus rien à faire, accepte de vivre avec », j’accepte certaines choses comme le fait d’avoir les cheveux blonds et les yeux bleus, j’accepte que je suis une femme souffrant de crises de Migraine pour le restant de mes jours. Ce que je n’accepte pas c’est de ne plus avoir l’espoir en une meilleure qualité de vie un jour. Un nouveau médicament, un nouveau traitement, une diminution de la douleur. Ce que j’accepte c’est qu’il me reste un coeur et l’intelligence qui va avec afin de pouvoir apprécier un texte comme le tiens, un facetime d’une amie, un café avec ma voisine…🧡 j’appelle ça « mes tites bulles de bonheur ».🎈🎈🎈celles qui me permettent de passer au travers de mes nombreux deuils.

Maryse Loranger
Maryse Loranger
il y a 1 année
En réponse à  Maryse Bonsaint

Merci Maryse pour ton très beau message qui apporte aussi beaucoup d’espoir. J’ai justement lu une citation hier et je te la partage parce que je sens qu’elle peut s’appliquer.
« Il y a toujours des fleurs pour ceux qui veulent les voir » – Henri Matisse

Quelqu’un surpris que je lui apprenne que je venais de vivre une grosse crise de migraine pendant un souper des Fêtes m’a dit: « Mais tu avais l’air tellement heureuse… »
Je lui ai répondu que l’on peut être heureux et apprécier les beaux moments de la vie malgré la douleur. Les tites bulles de bonheur…c’est ce qui nous garde en vie.

Belle et douce journée Maryse 🙂

Chantal
Chantal
il y a 1 année

Ton texte raisonne pour moi. Les mots acceptés de changer de regard sont si important pour moi. Plus je change ma perception plus je trouve de paix et de joie. C’est deux ingrédients sont des médicaments qui m’aident à éloigner la souffrance et même la douleur un peu. Je suis optimiste que les petits pas mènent loin. Merci pour ce texte

Maryse Loranger
Maryse Loranger
il y a 1 année
En réponse à  Chantal

Merci de ton témoignage Chantal,
Hier je regardais un reportage sur les liens entre les émotions et la douleur et cette phrase m’est restée en tête:
« La douleur, ce n’est pas le mal qui vous arrive mais ce qui se passe à l’intérieur de vous à la suite de ce qui vous arrive. »
À méditer…
Belle journée Chantal 😉