À bout de bras

Par Maryse Loranger • Le 7 juillet 2023


Par une belle journée de juin, j’ai pris un déjeuner tardif au resto. Rien d’extraordinaire là-dedans. Mais pourtant lorsque le serveur m’a apporté ma belle grande tasse de latte, ce fut un moment inusité. J’ai vu le café qui débordait de la tasse en verre et qui coulait sur sa main dans un mouvement perpétuel alors qu’il marchait vers ma table. Pas une fois, le serveur a décidé de rebrousser chemin. Il regardait le liquide chaud dégouliner sur sa main entière sans broncher, mais tout en continuant sa course comme si de rien n’était. Arrivé à la table, la tasse déposée devant moi, le café semblait continuer de sortir de la tasse à la manière d’un volcan en éruption. Je n’avais jamais vu ça! Comme un phénomène. Je pense bien que j’avais une expression faciale de surprise et de fascination envers cette personne plus que hors de l’ordinaire. Et de voir le serveur repartir pour revenir doucement vers la table avec des napkins en disant d’une voix des plus normale et régulière «Je suis un peu maladroit » et de repartir avec un calme des plus absolus comme si tout était parfait dans le meilleur des mondes. J’ai eu le plus grand des fous rires et encore maintenant, quand je revois la scène, je ne peux qu’en sourire. 

Quel est le lien avec la migraine vous me demandez? Pour moi, ce petit événement fait partie des plus grandes leçons que je devais recevoir en ce mois de juin. Comme quoi, les manifestations du réel lâcher-prise prennent toutes sortes de formes. Personnellement, j’ai réalisé que je porte trop souvent des situations ou des prises de décisions à bout de bras. Et quand le tout devient trop lourd à porter, que les émotions débordent, et que je me brûle le cerveau de l’intérieur, la migraine finit par m’envoyer des signaux clairs que je dois m’arrêter, me déposer et poursuivre mon chemin de vie. La leçon que je retiens de ce moment au resto est de poursuivre mon chemin à la manière de ce serveur qui a gardé son calme, a rendu la tasse débordante à sa destination, puis fut le constat très simple de ce qu’il a livré, de la façon qu’il l’a livré avec toutes ses meilleures intentions, puis est reparti calme, satisfait de ses efforts malgré tout.

Bien sûr, je fais des liens entre ce que je vois et ce que je vis qui ne colleront sans doute pas nécessairement avec la réalité de tous et toutes. Mais est-il possible d’envisager que la migraine n’est qu’un signal de trop plein? Que ce soit d’efforts inutiles, d’émotions débordantes ou de situations personnelles ou professionnelles qui nous brûlent? Qu’en est-il de notre idéal de vie, ces projets, ces rêves ou cette vision du monde que l’on porte à bout de bras? Je veux simplement vous rappeler que j’écris mes articles sous forme de blogue n’ayant comme seule intention que de poser un regard différent sur mes expériences du quotidien de la même manière que je dessine mes mandalas en partant de l’extérieur vers le milieu pour me recentrer.

Les signaux

Cette journée-là, en fin d’après-midi, j’ai pris une grande marche et me suis posée au bord de la rivière, derrière l’église. C’est là que les gens du coin mettent leurs embarcations à l’eau, que des enfants profitent des installations du terrain de jeu, que des personnes se rencontrent pour pique-niquer ou que des aîné·es du coin viennent se voir pour jaser entre ami·e·s. C’est un endroit convivial, où toutes les générations se retrouvent en même temps au même endroit pour un et un seul but commun, se faire du bien, s’amuser ou simplement profiter du beau temps. De mon côté et dans mon for intérieur, je demeurais à l’affût des signaux d’une crise de migraine. Ça faisait déjà un bon moment que je passais dehors en plein soleil, à la chaleur, avec une hydratation plus qu’insuffisante sans oublier un repas riche en gras et en sucre. Mais tellement délicieux! Finalement, rien de très discipliné pour une fille qui vit avec la migraine chronique et dont tout plein de déclencheurs présents et bien connus n’attendent qu’à se manifester. J’essayais très fort de ne pas me prendre la tête avec l’idée que la migraine pouvait se déclencher à tout moment, mais qu’au premier signe, je devrais rentrer à la maison et aller me reposer. 

La joie

On peut voir la vie qui se passe autour de nous, des drôles de coïncidences par exemple ou ce que l’on appelle des événements de synchronicité et en retirer maintes significations. Lorsque les cloches ont sonné ( l’église appelait ses citoyens pour la messe ), une petite voiture arrive très lentement tout près de la mienne pour se stationner. Je distingue le chauffeur à l’intérieur. Il semble penché sur le côté, il porte un chapeau de paille sur la tête et ça me donne l’impression qu’il a peut-être un malaise ou a besoin d’aide. Je regarde donc avec attention ce qui se passe alors qu’il ouvre la portière de sa voiture et voilà que la musique se fait entendre. C’est Elvis Presley qui chante!

Juste vous dire que d’un seul coup, j’ai oublié mes inquiétudes, mes doutes, mes peurs et la musique s’est emparée de mon corps. Une énergie de joie m’a soulevé du sol et je me suis surprise à faire quelques pas de danse en plein milieu du stationnement en suivant la voix d’Elvis. Je n’étais plus dans l’appréhension des signaux d’une possible migraine. J’étais dans le présent. Dans cet instant qui m’apportait de la JOIE! Je ne portais plus mes expériences passées à bout de bras. Je ne portais plus les autres à bout de bras. Je ne portais plus ma maladie à bout de bras. J’étais dans le moment présent, dans la JOIE. 

« Avec la fin de l’amour, 

apparaissent les rois mages : 

la mélancolie, le silence et la joie. »

– Christian Bobin

Avec douceur,

Maryse Loranger


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2 Commentaires
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Louise
il y a 8 mois

« Avec une amie, je partage la JOIE ». C’est le beau message qu’une amie me transmet ces jours-ci. Et voilà que toi, Maryse, tu partages la JOIE avec le lecteur ! J’y vois plus qu’une coïncidence, c’est une source d’inspiration. Merci Maryse pour ce beau témoignage.

Maryse Loranger
Maryse Loranger
il y a 8 mois
En réponse à  Louise

Merci Louise pour tes bons mots qui me vont droit au coeur. Ça me rend heureuse de savoir que mon témoignage t’a rejoint à travers ce si beau sentiment qu’est la JOIE partagée avec ton amie. Et comme dans cette belle citation de Christian Bobin:

 » Le bonheur, ce n’est pas une note séparée, c’est la joie que deux notes ont à rebondir l’une contre l’autre. »