Si vous recevez ce guide, c’est que quelqu’un qui vous est cher est aux prises avec une maladie neurologique complexe et invalidante : la migraine chronique. Curieusement, cette maladie est mal connue et mal comprise dans la population générale. Je crois fermement que le véritable souhait des gens qui vivent avec la migraine, et ce dont ils ont réellement besoin, c’est du respect, de la compréhension et de l’empathie. J’espère que les renseignements fournis ici seront utiles pour nous faire progresser collectivement en ce sens.
— Maya Carvalho, fondatrice du groupe de soutien Chronic Migraine Support Group Canada.
Qu’est-ce que la migraine, exactement?
La migraine est un diagnostic clinique reposant sur des symptômes et des antécédents médicaux. À l’heure actuelle, il n’existe aucun test (analyse sanguine, IRM ou autre imagerie médicale) pour diagnostiquer la migraine, quoiqu’un médecin puisse faire appel à de tels tests pour écarter d’autres maladies. Une migraine vient avec des maux de tête intenses qui peuvent être aigus, pulsatifs ou continus, habituellement sur un côté de la tête (mais pas exclusivement), pour une durée de 4 à 72 heures. Ces maux de tête sont souvent accompagnés d’autres symptômes, notamment des nausées, des vomissements et une sensibilité accrue à la lumière et au bruit. La douleur est différente d’une personne à l’autre, mais plusieurs la décrivent comme étant plus intense qu’un accouchement, sans les joies qui en découlent. Parmi les autres symptômes de la migraine, mentionnons les suivants : étourdissements, vertiges, cerveau embrouillé, fatigue, douleurs à la nuque, douleurs musculaires, aphasie (perte des facultés du langage : parole, compréhension, lecture ou écriture), ataxie (perte de coordination musculaire, démarche instable), symptômes visuels, mains et pieds froids, changements d’humeurs, sensibilité aux odeurs, diarrhées, constipation, fièvre et enflures. Certaines formes de migraine ne présentent pas de maux de tête.
Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), les effets invalidants d’une migraine intense sont « comparables à ceux de la démence, de la quadriplégie et de la psychose active » (Shapiro RE et PJ Goadsby, Cephalalgia, 2007). L’OMS classe par ailleurs le caractère constant de la migraine chronique comme étant « plus invalidant que la cécité, la paraplégie, l’angine ou la polyarthrite rhumatoïde » (Harwood RH, et coll., Bulletin de l’OMS, 2004).
La migraine chronique signifie qu’une personne est aux prises avec la migraine 15 jours (ou plus) par mois. Prenez un moment pour vous imaginer que des douleurs et autres symptômes intenses et incessants envahissent votre vie. De nombreuses personnes vivent les quatre phases d’une crise migraineuse : prodrome, aura, maux de tête et postdrome. Un cycle de migraine complet peut se dérouler sur plusieurs jours. Étant donné la fréquence des crises et la durée combinée des phases, il est très rare pour les personnes aux prises avec la migraine chronique de n’éprouver aucun symptôme, même lors des meilleurs jours.
Chaque personne qui vit avec la migraine chronique est différente, et ses crises peuvent présenter des symptômes fort différents. Certaines personnes n’éprouvent pas de maux de tête, mais d’autres symptômes tout aussi invalidants. La migraine est un dysfonctionnement qui se présente comme un spectre : toutes les migraines varient, et certaines sont plus tolérables que d’autres.
À l’heure actuelle, il n’y a aucun moyen de guérir la migraine. Certaines personnes font l’expérience de périodes de rémission pouvant s’étaler sur quelques mois, voire quelques années. Certaines personnes ont assez de chance pour trouver un médicament ou un traitement qui fonctionne extrêmement bien. Mais pour la plupart d’entre nous, il faut miser sur une approche multimodale à long terme pour essayer de réduire nos crises de migraine. C’est un engagement constant dans un parcours d’essais et d’erreurs impliquant une quantité de médicaments, de traitements, de procédures, de changements à notre mode de vie, de thérapies physiques et d’autres choses encore. Toutes ces approches, lorsqu’elles sont jumelées, peuvent avoir une incidence réelle, mais il n’y a pas de remède miracle.
Certaines personnes font l’expérience d’une migraine réfractaire les 365 jours de leur vie. Cela signifie qu’elles n’ont aucun répit pour reprendre des forces, repartir à neuf ou se remettre sur pied avant la prochaine crise. La crise est toujours là. Si votre être aimé vit avec une migraine réfractaire constante, vous devriez lui offrir une médaille. Vous devez reconnaître la force de cette personne et prendre conscience du combat qu’elle doit parfois mener simplement pour se rendre au lendemain.
Ce cycle constant de symptômes invalidants et de périodes de récupération génère énormément de fatigue. Il ne s’agit pas d’une fatigue courante, mais bien d’un effet d’épuisement réel et envahissant. Certaines personnes parviennent à réaliser quelques activités dans les bons jours, d’autres doivent se limiter à une seule. Un appel téléphonique peut être difficile. La socialisation peut être difficile. L’effort physique peut être difficile. Tout ce qui demande de l’énergie a un coût. Tous les jours de notre vie, nous prenons des décisions en sous-pesant les coûts et les avantages, afin de préserver des relations et une certaine qualité de vie. Si vous ne pouvez concevoir cette réalité, posez la question pour voir.
La plupart des gens aux prises avec la migraine chronique ont des troubles concomitants comme le syndrome du côlon irritable, la fibromyalgie, l’arthrite, le syndrome des ovaires polykystiques ou de nombreux autres. Essayez de vous imaginer de devoir composer avec d’autres maladies, médicaments et traitements en plus de la migraine chronique. C’est un défi complexe, et au Canada, nous rencontrons rarement des professionnels de la santé qui nous évaluent de façon globale et qui coordonnent l’ensemble de nos médicaments et traitements. Ce fardeau repose sur nos épaules. C’est un travail immense, un travail complexe, un travail qui demande une patience et une ténacité à toute épreuve. Soyez fier de l’être aimé pour son implication.
Les symptômes les plus invalidants de _________________ sont :
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Choses qu’il faut ÉVITER de dire
- « Tu as une migraine? Encore? » Oui, encore. C’est la définition de la migraine chronique.
- « Est-ce que tu vas mieux maintenant? » Non, nous n’allons pas mieux. La migraine ne peut pas être guérie, mais nos symptômes peuvent être plus faciles à gérer certains jours que d’autres. Certaines personnes sont très chanceuses et se remettent momentanément de la migraine chronique, mais ce n’est pas encore le cas pour la plupart des gens.
Choses UTILES à dire
- « Je suis désolé(e) de voir que tes crises sont si fréquentes. Ce doit être épuisant. Tu es incroyablement fort(e). »
- « Comment sont tes symptômes aujourd’hui? Quel est le degré de douleur? »
- « Quel serait le meilleur moyen de te soutenir? »
- « Merci vraiment d’être venu(e). Je sais que ça ne se fait pas sans un certain coût, et je l’apprécie. »
Qu’est-ce qui cause la migraine?
La migraine est une maladie neurologique génétique qui touche un milliard de personnes dans le monde. Ce n’est pas la même chose que les maux de tête. Les maux de tête ne sont qu’un des symptômes de la migraine. Les causes ne sont pas entièrement comprises, mais nous croyons que les crises de migraine tirent leur origine dans la région du tronc cérébral et qu’elles impliquent une hyperexcitabilité du système nerveux. En quelques mots, les neurones ont des ratés. Ils déclenchent une réaction électrochimique qui transmet des signaux de douleur au cortex et entraîne d’autres symptômes de la migraine.
Choses qu’il faut ÉVITER de dire
- « La meilleure amie de la fille de ma voisine a fait telle ou telle chose et a guéri sa migraine. » La migraine ne se guérit pas. Aucune formule magique x, y ou z n’en vient à bout. Le yoga ne l’arrête pas. Les vacances ne l’arrêtent pas. Boire beaucoup d’eau ne l’arrête pas. Certaines de ces techniques peuvent atténuer des déclencheurs, mais la gestion de la migraine chronique exige de s’impliquer dans une approche multimodale. Ces types de simplification tendent à minimiser la gravité de la maladie.
- « J’ai eu une migraine l’autre jour. J’ai pris deux Tylenol, et ça a passé. » Si deux Tylenol ont fait effet, il est probable que vous ayez souffert d’un bon mal de tête, mais pas d’une migraine. C’est incroyablement frustrant pour une personne avec la migraine chronique de constamment devoir négocier avec un manque de reconnaissance.
- « Pourquoi dois-tu prendre autant de pilules? » ou « Tu devrais vraiment arrêter de prendre autant de médicaments. » À moins d’être neurologue, vous n’avez pas l’expertise sur les médicaments nécessaires pour gérer cette maladie. Certaines personnes ont besoin de deux pilules par jour, d’autres, de six. Estimez-vous heureux d’éviter le bouquet d’effets secondaires que nous avons à gérer. C’est loin d’être amusant.
- « Tu as l’air en pleine forme. Tu n’as pas l’air en douleur. » Nous faisons pour la plupart tout ce que nous pouvons pour cacher la maladie et ne pas montrer notre douleur. Ça ne reflète pas ce que nous ressentons à l’intérieur. C’est simplement une indication qui montre à quel point nous souhaitons faire l’expérience d’un état normal, pour quelques minutes, pour une heure, voire pour une journée. C’est aussi une indication qui montre à quel point nous chérissons le temps passé avec vous et à quel point nous ne souhaitons pas que la façon dont nous nous sentons réellement déteigne sur les autres. Soyez-en touché(e) plutôt que de remettre en question notre douleur.
Choses UTILES à dire
- « Je suis vraiment désolé(e) que tu aies une maladie si grave. J’espère que tu trouveras des traitements et des médicaments qui t’aideront à la gérer. »
- « Tu as l’air radieux(se). Tu caches ta douleur à merveille. »
Que sont les déclencheurs de la migraine?
Les déclencheurs ne sont pas des causes : la cause est génétique. Les déclencheurs provoquent simplement dans le cerveau les réactions électrochimiques qui causent les symptômes. Pour les gens aux prises avec la migraine chronique, le problème est rarement attribuable à un seul déclencheur, mais plutôt à plusieurs déclencheurs qui s’accumulent et les font basculer dans une crise de migraine.
Chaque personne migraineuse a différents déclencheurs, et lorsque la maladie devient chronique, les déclencheurs sont souvent nombreux. Les déclencheurs peuvent être environnementaux, physiques et psychologiques. Entre autres déclencheurs courants, mentionnons les fluctuations de température, les changements hormonaux, les bruits forts, les lumières vives, les parfums, les efforts physiques trop intenses, le stress, l’anxiété, les aliments (fermentés, vieillis, à teneur élevée en histamine ou en tyramine), l’alcool, la déshydratation et les perturbations du sommeil.
Les déclencheurs les plus éprouvants pour _________________ sont :
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Choses qu’il faut ÉVITER de dire
- « Oh là là. Tu as l’air tellement fragile, tu es sensible à tout. »
- « Viens avec nous quand même, tu vas te sentir mieux. » L’expert, c’est le patient. S’il vous dit qu’il ne peut pas sortir, écoutez-le et respectez sa parole.
- « Tu dois juste laisser tomber le stress. Tu dois juste relaxer. Si tu prends des vacances, tes migraines vont s’en aller. » Non, elles ne s’en iront pas. Oui, c’est utile de se donner comme objectif général de diminuer le stress dans notre vie, mais le stress n’est pas un déclencheur pour tout le monde et, il faut le répéter, ce n’est pas une cause de la migraine.
- « Oh non. Pourquoi as-tu fait telle ou telle chose? Tu t’es mis dans une position pour avoir une migraine! » Ne reprochez pas à une personne de ne pas être en mesure de contrôler tous ses déclencheurs. C’est un terrain miné, un casse-tête dont vous ne souhaitez pas faire l’expérience. Le déclenchement d’une migraine n’est jamais la faute de la personne qui en souffre. N’oubliez pas, les déclencheurs ne sont pas la cause de la maladie.
Choses UTILES à dire
- « Ce doit être tellement difficile de composer avec tous ces déclencheurs, tous les jours. Quels déclencheurs sont les pires pour toi? Je vais tenter de les atténuer quand nous sommes ensemble. »
- « Si faire telle chose est trop exigeant pour toi, je comprends tout à fait. Je sais que tu répondrais à l’appel si tu le pouvais. Fais ce qui est le mieux pour ta santé. »
Comment aider votre être aimé aux prises avec la migraine chronique
Faites preuve de souplesse dans vos plans. Comme il est rare que nous ne ressentions aucun symptôme, il est impossible de faire des plans d’avance. Nous ne savons pas quand surviendra une crise de migraine, quelle sera son intensité, ni quelles seront nos capacités le jour en question, voire le lendemain. Essayez d’être compréhensif si nous devons annuler des plans. Je peux vous assurer que la perspective d’annuler nous cause plus de désagrément qu’à vous, et c’est sans compter que nous devons subir la crise à l’origine de l’annulation, ce qui n’est pas votre cas.
Proposez-vous de nous rendre visite, selon nos conditions. Règle générale, la migraine chronique resserre notre vie sociale autour d’un nombre limité d’interactions. L’isolement peut prendre des proportions extrêmes. Chaque visite d’un ami ou d’un membre de la famille a plus d’importance à nos yeux que vous ne pouvez le croire. Vous pouvez proposer de le faire aux heures où la douleur est habituellement moindre (demandez-le), et commencer par une activité simple, comme prendre un café, de façon à limiter les efforts physiques.
Posez des questions sur nos déclencheurs et nos symptômes et essayez d’y porter attention. Si c’est envisageable, modifiez l’environnement de notre rencontre pour le rendre le plus calme et le plus silencieux possible. Ne portez pas de parfum et n’allumez pas de chandelles parfumées si vous savez que ce sont des déclencheurs pour nous. Évitez de nous exposer à des bruits forts. Si la nourriture ou l’alcool sont des déclencheurs, n’insistez pas sur des bouchées ou des boissons (« Oh, fais juste l’essayer » ou « Juste un verre, ça va t’apaiser »). Vous ne subissez pas les conséquences. Nous, oui.
Ayez conscience des efforts que nous faisons pour préserver notre énergie. Nous devons constamment réguler notre conduite pour ne pas nous précipiter dans une crise. Pour en savoir plus, jetez un œil à la théorie des cuillères. Chez la plupart des patients, cela signifie de limiter le nombre et la durée des activités dans une journée. Et chez nombre d’entre nous, une seule activité est tout ce qui est envisageable. Ne poussez pas les gens à en faire trop, et n’insinuez jamais que nous sommes paresseux. Les personnes aux prises avec la migraine chronique font des efforts en tout temps avec des degrés de douleur et des symptômes que vous pouvez à peine imaginer. Essayez de faire preuve d’empathie.
Offrez de nous accompagner à nos rendez-vous avec un neurologue ou un autre médecin. Nous avons besoin d’alliés auprès de nous, de personnes attentives, capables de nous soutenir avec nos besoins et nos préoccupations et d’agir comme deuxième paire d’oreilles pour assimiler l’information que l’on reçoit. Les rendez-vous sont généralement très courts, et vouloir obtenir des réponses à nos questions peut être une grande source de stress. Compter sur un soutien dans ce domaine peut changer complètement la donne.
Proposez de prendre en charge des courses simples qui peuvent être trop exigeantes physiquement pour une personne avec la migraine chronique, comme une commande d’épicerie, un ramassage chez le nettoyeur, un arrêt à la pharmacie, du magasinage en ligne ou même la livraison d’un repas simple, qui permet d’éviter d’avoir à cuisiner. Comme la conduite automobile peut être un déclencheur pour de nombreuses personnes, les offres de déplacement peuvent aussi être utiles.
Merci de préparer des documents aussi bien faits pour aider les parents, frère, grand-mère à mieux comprendre la souffrance des personnes ayant reçu un diagnostic de douleur chronique due à la migraine. C’est très aidant.
Merci beaucoup d’avoir pris le temps d’écrire ce commentaire. Êtes-vous à l’aise que nous l’ajoutions dans notre section Témoignages, au bas de notre page d’accueil? https://migrainequebec.org/ Tous les messages sont présentés de façon anonyme, avec des initiales.
Un gros merci pour ce texte! Je trouve que ca explique et ca aide à comprendre beaucoup de choses!
Ce document représente vraiment ce que je vis. Jamais je n’aurais osé comparer ma condition avec toutes celles mentionnées dans le texte. Au contraire, lorsqu’on me plaint je réponds « mais tu sais quoi? on en meurt pas! » Ce que je ne dis pas par contre, c’est qu’on ne vit pas vraiment non plus.
Merci beaucoup Maya d’y avoir mis votre précieuse énergie !
J’aime beaucoup ce guide pour aider la famille, les amis et les collègues à comprendre notre condition.
Ce guide aide à conscientiser notre entourage, à bannir certains préjugés et offrir une meilleure assistance envers un proche atteint de migraine chronique.
Merci beaucoup pour ce texte j’ai pris bonne note des conseils et me sent plus équipé pour épauler l’être cher qui souffre de migraine chronique
Is there a guide for the workplace too for your boss and staff? Thanks
Hello Vanessa. There is no specific guide for the workplace. However, we invite you to watch Dr. Leroux’s video on the triggers of migraine in the workplace (in French) https://migrainequebec.org/video/les-declencheurs-de-la-migraine-et-le-milieu-de-travail/ . We keep in mind your need for a specialized guide for managers and employees.
Thank you for this documento, which Is already very useful. Any progressi on a simulare guide for the workplace?
We are working on it. Thank you for your kind words.