Transition

Par Maryse Loranger • Le 27 juillet 2022


Dernièrement, j’ai eu la chance de voir un nid de merle. Non seulement cet oiseau pond des œufs de couleur bleu ciel, mais la femelle construit le nid avec brio! Parfaitement construit à partir d’herbes et de brindilles dont l’intérieur est composé d’une boue parfaitement lissée sur le rebord et garnie de fines herbes séchées, le nid devient facilement une œuvre d’art! Ce travail très complexe, digne des techniques de tissage et de maçonnerie, demande beaucoup d’énergie aux futurs parents. Ce nid est essentiel pour couver et élever les oisillons.

J’ai appris que ce nid si parfait se retrouvera abandonné aussitôt les oisillons prêts et assez forts pour voler. Ne serait-il pas plus facile de retourner et de nidifier à nouveau au même endroit? Et me voilà partie à faire des liens entre ma capacité à vivre le changement de vie qui vient avec une transition importante et ces oiseaux qui ne semblent avoir aucun souci à laisser un nid parfaitement construit derrière eux.

 

Migraine et transition

Pour les personnes qui, comme moi, vivent avec la migraine ou la céphalée, simplement l’idée d’un changement majeur peut créer une crainte et de l’appréhension. Ces deux sentiments ensemble forment une fondation parfaite pour des nuits plus courtes et des crises d’anxiété. Le résultat est une attaque de migraine qui peut se déclencher n’importe quand. Pendant le sommeil ou juste avant le souper, tôt le matin ou à l’heure du midi, aucune différence ni aucun sens réel à donner. C’est une énigme grandiose et complexe pour tout le monde qui vit avec cette affection ou pour les soignant·es et les spécialistes qui nous guident et nous conseillent. On nous dit tellement et à répétition que pour la gestion de la migraine, il est nécessaire de garder le plus de stabilité possible et même d’installer des routines dans notre quotidien. La routine du matin et du soir, les habitudes de vie telles que l’alimentation, l’hydratation, les activités physiques ainsi que celles facilitant la détente, les stratégies de gestion du stress et tout le tralala, deviennent des MUST.

Un peu comme le merle qui investit beaucoup de temps et d’énergie à bâtir son nid, j’ai le sentiment très fort de m’être engagée dans les sphères de ma vie à travers le temps avec beaucoup d’énergie. Contrairement aux oiseaux qui ont les aptitudes et l’instinct pour déceler le potentiel de dangers associés à leur environnement, je n’ai pas senti ni prévu l’énorme changement qui allait, moi qui semblais avoir tout mis en place avec harmonie et solidité, me faire chavirer du nid. Ça peut arriver de vivre de grands changements. On en vit tous et toutes. Mais depuis une bonne dizaine d’années, j’ai appris à battre de mes ailes pour trouver les bonnes brindilles et les bons matériaux qui feraient de mon nid, une demeure solide et permanente.

 

Nul ne sait

Le nid n’est qu’une image pour parler du sentiment de sécurité. Peut-être sommes-nous constamment dans l’illusion que ce que l’on bâtit autour de nous demeurera une valeur sûre, un gage de calme et de paix, une promesse d’avenir. Mais nul ne sait l’avenir et nul ne peut contrôler les aléas de la vie. C’est ainsi et, malgré la grande résistance que je ressens comme si je battais des ailes contre le vent fort d’une mer déchaînée, je dois humblement m’incliner devant ce qui est, « pour le meilleur et pour le pire ». Car tout change… tout le temps.

J’ai remarqué que mes crises de migraine se font plus rares, voire quasi disparues. Mes épisodes de migraine semblent s’espacer dans le temps à vitesse « grand V » et me donnent l’impression qu’elles s’effacent doucement. C’est un oiseau que l’on voit s’éloigner de plus en plus, filmé au ralenti. Que de beauté. Cet oiseau rare qui est passé chez moi si souvent, dans mes moments les plus ordinaires. Était-ce mon examen à l’université ou mon manque d’hydratation, une visite stressante chez le dentiste ou trop de soleil dans les yeux? Était-ce la musique trop forte ou trop rythmée de mon cours de danse ou une mauvaise nuit de sommeil? Nul ne sait. C’est tout et rien en même temps. C’est émotif, vous me dites? Pourtant, il y a des rires qui déclenchent la crise de migraine et des pleurs qui ne font que du bien. L’inverse est possible aussi. J’ai vécu les deux avec autant d’intensité. L’absolu n’existe pas. Nous sommes tous différent·es et uniques. Mais plus que tout, nous évoluons dans le temps. Que ce soit par nos expériences ou que ce soit par une force intérieure qui est réveillée pour notre survie, la migraine est une réponse aux questions dont nous seul·es détenons le pouvoir et la responsabilité de se demander et d’y répondre.

 

Évolution

Revenons à l’oiseau qui investit de l’énergie et du temps pour faire un nid parfait. Il n’y a aucun avantage à risquer sa vie ou celles de sa progéniture dans un environnement présentant un potentiel de risque. Selon le Groupe uni des éducateurs-naturalistes et professionnels en environnement (GUEPE), c’est :

« L’évolution fait en sorte que les animaux adoptent des comportements qui maximisent leurs chances d’élever des petits en assurant leur survie jusqu’à leur maturité. »

Je retiens ces trois concepts de base : comportement, survie, évolution.

Ça peut sembler bien simple et je dois admettre que la comparaison peut être vague sur les bords, mais si mon constat est de vivre soudainement sans migraine (ou presque…) malgré des changements de vie et une transition non planifiée, j’ai tout à coup mes réponses à plusieurs de mes vieilles questions. Peut-être était-ce justement la peur de regarder mon réel environnement et y voir que malgré un nid parfait et un sentiment de sécurité illusoire, il est vraiment mieux de voler de mes propres ailes vers de nouveaux horizons ou nul ne sait l’avenir à part la très grande promesse d’un potentiel de bâtir ailleurs et autrement.

 

Fable du paysan

Je termine ma réflexion avec cette fable qu’une amie m’a racontée plusieurs fois.

 

Il était une fois un modeste paysan de la vieille Russie. Il était veuf et n’avait qu’un fils.

Un jour, son cheval disparut. Tous ses voisins le plaignirent, en disant qu’une bien triste chose était arrivée.

Peut-être que oui, peut-être que non, répondit-il.

 

Trois jours plus tard, son cheval revint accompagné de trois chevaux sauvages. Les voisins l’envièrent et lui affirmèrent : Quelle chance tu as!

À quoi il répondit : Peut-être que oui, peut-être que non.

 

Son fils tenta de monter l’un des chevaux sauvages, tomba et se cassa une jambe. Les voisins dirent : Quelle guigne!

Peut-être que oui, peut-être que non, répondit une nouvelle fois le paysan.

 

Trois jours plus tard, les huissiers du tsar vinrent chercher tous les jeunes hommes valides pour les enrôler dans l’armée, et le fils du paysan ne fut pas enrôlé. Quelle chance tu as! déclarèrent les voisins au vieux paysan.

 

Nous ne voyons qu’un tout petit bout de notre réalité. Qui sait à quoi peuvent être utiles les expériences que nous vivons!

-Sagesse de LAO-TSEU

 

En espérant que ces quelques mots vous permettront de mieux traverser ces moments de transitions, qu’elles soient présentes ou à venir.

Avec douceur,

Maryse Loranger


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2 Commentaires
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Louise Beauchemin
Louise Beauchemin
il y a 1 année

Merci Maryse pour ce beau texte remplit de lâcher prise et de sagesse. Tu fais écho à ce que je vis actuellement… Alors que tout craque de part et d’autre et que je n’ai d’autre choix que de me remonter les manches et d’y aller… Pas de migraines depuis 3 semaines…
Louise