Une vie teintée de douleur

Par Marie-Claude Benoit • Le 31 octobre 2022


Quelles sont les nuances de votre vie? La mienne est teintée de douleur, de préoccupations et de rares moments sans migraine. Une douleur lancinante ou pulsatile, oppressante ou invalidante. Des préoccupations telles que manquer de médicaments ou ne pas avoir accès au bon remède au bon moment. Et ces petites fenêtres dans le temps où je peux voir la vie en rose.

Douleur

Quand viendras-tu teinter mon quotidien? 

Au lever du jour, alors que la plupart des gens se réveillent reposés par une bonne nuit de sommeil? Tu t’imposeras alors que tu as couvé à mon insu pendant que je dormais. Tu seras d’autant plus intense que je ne pourrai pas te chasser à coups d’antalgiques ou de triptans au début de ton éclosion nocturne. Je passerai la moitié de ma journée à essayer de te mettre hors d’état de nuire et l’autre moitié éreintée : épuisée par la souffrance et abattue par la médication. Attendant impatiemment le moment où je mettrai la tête sur l’oreiller, le soir venu.

D’une nuance plus pâle au cours de la journée, sans raison décelable? Rapidement, je sortirai les antalgiques pour t’empêcher de noircir les heures qui suivront. En espérant que tu ne t’installes pas plus promptement que l’effet de l’antidouleur que je viendrai d’avaler. Car oui, parfois, la médication te fait prendre la poudre d’escampette en moins d’une heure. Mais, souvent, tu prends une dimension telle que je dois t’accorder plus de temps et d’attention. Me privant ainsi de précieuses minutes où je pourrais m’amuser, être utile ou simplement profiter du moment présent en toute sérénité. Cette dernière étant plutôt rare dans ma vie de migraineuse chronique, vivant toujours dans l’appréhension de ton apparition.

Préoccupation

Te voilà! Qui teinte presque chaque moment de ma vie, en plusieurs nuances.

La question qui me taraude : qu’est-ce que je peux faire pour tenir la migraine éloignée ou m’en défaire de façon expéditive? Cette interrogation occupe tellement mon esprit que je m’assure d’avoir toute la pharmacopée nécessaire à portée de main, à chaque instant, pour prévenir la migraine ou pour la combattre si elle se présente.

Bien sûr, les médicaments ne sont qu’une partie de la solution tant espérée. Que j’en ai essayé des moyens! Entre autres, modifier radicalement la façon de me nourrir. Me demandant ce qui m’aiderait le plus. Éliminer le gluten? Non. Supprimer les produits laitiers? Non plus. Réduire le sucre? Peut-être. Éviter le chocolat, la caféine, le glutamate monosodique, l’alcool…? C’est un jeu d’essais et d’erreurs.

Malgré toutes les précautions alimentaires mises en place, un ingrédient non décelé ou une imprudence peut provoquer une migraine en quelques minutes. Transformant un bon repas partagé entre amis en un combat contre la douleur. Puis-je être plus rapide qu’elle et gagner ce duel en la frappant de plein fouet avec le remède approprié? Celui qui la fera décamper en moins de deux.

Comment l’oublier, cette malédiction qui noircit ma vie depuis des décennies? Elle me préoccupe à chaque instant.

Moments sans migraine

Trouverez-vous votre chemin dans les dédales de mon cerveau, chers moments où ma vie sera teintée de couleurs lumineuses?

Un réveil sans douleur me permettra-t-il de me lever du bon pied? Ma tête se tiendra-t-elle tranquille pour que je puisse débuter ma journée avec le sourire? Remplaçant ce rictus de douleur me menaçant quotidiennement, au petit matin.

Pourrai-je prendre ce médicament, limité à dix prises par mois, mais oh combien efficace? Est-ce que cette migraine est assez forte pour le mériter? Est-ce que cette journée est assez importante pour que j’en diminue mon stock? Si oui, alors dans trente minutes, je pourrai crier victoire et profiter de mes activités prévues.

Rarissimes sont les jours complets non teintés de céphalées. Celles où je peux fonctionner à cent pour cent à tout moment. Celles où je peux profiter de chaque minute sans me soucier de cette grisaille qui pourrait envahir mon esprit. Les déclencheurs sont si nombreux qu’une journée tranquille, sans obligations et où je peux me reposer sans limites, représente un idéal… presque inatteignable. Mais, ce n’est pas légion dans ma vie. Ni dans la vôtre, je m’en doute.

Cependant, plusieurs d’entre nous adaptent leur quotidien dans le but de le teinter de lumière plus que de noirceur. Pour éviter que cette dernière assombrisse des heures et des heures de notre existence, nous faisons des sacrifices. Pour ma part, niveau carrière, c’est un désastre, mais je cherche toujours l’alternative qui me permettra de gagner mon pain. Côté famille, rien n’est facile. Obligations, responsabilités et activités se déroulent souvent péniblement.

J’ai décidé de me choisir et j’en paie le prix : financièrement et socialement. La migraine prend beaucoup de place dans ma vie. Elle la teinte de nuances douloureuses, mais elle me donne aussi quelques heures de répit, par-ci par-là. Des moments ensoleillés dont je dois profiter coûte que coûte.

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2 Commentaires
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Maryse Bonsaint
Maryse Bonsaint
il y a 1 année

Très beau texte réaliste! N’ayant plus de répit depuis plusieurs années, je garde espoir et rêve du jour où un beau matin, je n’y penserai plus. 🧡

Nathalie
Nathalie
il y a 1 année

Vous expliquez très bien ce que vit une personne atteinte de migraine chronique.
J’ai l’impression que vous décrivez mes journées, mon anxiété, mes douleurs, mes couleurs.

Merci pour ce beau texte.