L’éléphant dans la pièce

Par Maryse Loranger • Le 21 janvier 2022


Connaissez-vous l’expression « il y a un éléphant dans la pièce »? Ça vient de l’expression calquée de l’anglais elephant in the room. C’est un peu une façon de dire qu’il y a un sujet dont personne ne veut parler. Alors, aujourd’hui, je vous entretiens sur un aspect très rarement abordé dans notre société et encore plus lorsqu’il s’agit de vivre avec la douleur, comme la migraine par exemple. Pourquoi on n’en parle pas? Parce que ça rend les gens inconfortables. Parce que ça brasse des choses. Parce que ça dérange nos croyances. Parce que ça implique de regarder ce qu’on évite à tout prix. Et le prix, c’est nous. Aïe! Mais quel est donc cet éléphant?

L’importance de prendre soin DU soi en premier

Dans notre société, la douleur a ses solutions. Que ce soit la douleur émotionnelle ou physique, des moyens existent et sont grandement offerts afin que l’on puisse se soigner soi-même en adoptant des solutions qui répondent à nos besoins immédiats. Allant de Netflix aux nombreuses options de médicaments, on peut endormir notre douleur pour un moment. On commande la dernière solution sur le marché en espérant que cette fois, ce soit la bonne. Comme je me suis entendue dire souvent : « Au pire, si ça ne marche pas, ça ne peut pas me faire de tort. » Mais le problème, c’est que la douleur revient. Et revient. Dans mon cas, depuis des décennies.

Voilà que je suis arrivée à ce moment dans la vie où je dois adopter un nouveau mode de pensée. Soit je continue d’essayer tous les trucs et astuces avec mes doigts croisés ou soit je prends un pas de recul pour regarder plus profondément en moi et avoir une conversation avec « l’éléphant dans la pièce ». En partant de différentes lectures, de conférences et de podcasts traitant de la douleur, j’ai réalisé que mes crises de migraine ne sont pas juste des conséquences des déclencheurs. J’ai appris aussi que mon système nerveux n’était pas seulement hyperactif ou sensible à tous les déclencheurs possibles. Bien sûr que ça aide de diminuer l’intensité de la lumière, de ne pas avoir de parfum dans l’environnement, de porter des écouteurs bloqueurs de son, de diminuer le temps d’écran… et j’en passe! Mais c’est que des déclencheurs, il y en a un et un autre à l’infini!

En revanche, j’ai appris que la douleur est issue avant tout d’un signal envoyé tout bonnement au corps pour avertir, « hey, il y a un danger, un déséquilibre, un quelque chose qui ne va pas », afin que l’on regarde ce signal et qu’on lui porte notre attention. Ma réaction naturelle a toujours été de faire taire le signal et d’éviter la douleur le plus possible. On est quand même plusieurs à faire ça! Mais les rares fois que j’ai décidé de l’observer et d’identifier les émotions qui remontent, j’ai pu cerner la source dans mon corps. Parce que c’est bien le corps qui nous fait vivre la douleur. La question qui m’intéresse, c’est : où se trouve le point de départ? Qu’est-ce qui déclenche tout le mécanisme de la douleur? Et là, je suis arrivée aux émotions. Puis des liens se sont faits avec le passé. Des histoires passées non résolues, tatouées dans le cœur et dans le corps. Le vrai mot pour ça, c’est le trauma. Évidemment, je n’ai pas trouvé ça toute seule. C’est un long processus, douloureux, truffé de migraines de fou, de dépression isolée du monde dans le noir absolu. Mais bon, ok! On en sort!

Parce que ce sont bien les souvenirs récurrents qui nous font revivre des émotions. Et parce que le cerveau interprète les émotions négatives comme des menaces. Le signal de douleur nous met en garde d’un danger, d’un sentiment d’insécurité et de notre besoin de l’identifier pour changer nos façons de faire. L’éléphant dans la pièce, c’est nos traumas. Il y en a des petits, il y en a des grands, mais chose certaine, il est possible que nous en ayons et chacun(e) de nous y réagit différemment. Des fois, on ne s’en souvient même plus tellement on a caché l’éléphant.

La douleur est une émotion. Et elle représente un appel de l’intérieur de nous-mêmes pour se manifester et nous dire : J’ai besoin de ton attention.

 Et cette attention pourrait bien tout changer vers ce que j’appelle : prendre soin DU soi en premier.

L’importance de trouver l’énergie autour du trauma

Il y a une expérience que j’ai vécue il y a déjà plusieurs années et qui était de méditer plusieurs heures par jour dont une heure qui s’appelait « l’heure de détermination ». Pendant une heure complète, le but était de méditer en demeurant complètement immobile. Nous étions rendus à notre cinquième jour et déjà, je sentais des douleurs partout dans mon corps. Pendant l’heure de détermination de ce jour-là, j’ai cru que mon genou droit allait craquer tellement la douleur était forte. J’ai pris la décision de demeurer dans la position et de respirer à fond tout en restant attentive à mes pensées. C’est à ce moment que j’ai eu un souvenir douloureux d’il y a plusieurs années. La douleur qui avait été dormante pendant toutes ces années se manifestait maintenant dans cette position. La manifestation était aussi solide que du ciment. Elle était dormante parce que l’évitement avait toujours été mon meilleur moyen de survie, mais mon corps, lui, avait toujours en mémoire la douleur émotionnelle.

Une fois que l’heure fut terminée, je devais me déplier et me lever et, à ma très grande surprise, j’en ai été capable sans soucis et sans efforts. Je me sentais émotionnellement euphorique, heureuse et libérée, tellement surprise.

Cette expérience fut complètement inattendue mais salutaire. C’est ici que la méditation prouve sa force à la condition qu’elle soit pratiquée dans sa forme la plus simple : le regard tourné vers soi, l’attention dotée d’une intention claire et ciblée et la constance dans la pratique.

L’importance du corps

Un trauma impacte le corps de tellement de manières. Sans aller dans trop de détails, plusieurs parties de notre cerveau et de notre corps sont affectées par des traumas qui ne sont pas adressés. D’un côté, nous avons l’activation du système nerveux sympathique, qui prépare l’organisme à l’action en amenant tout le sang du cerveau vers les membres locomoteurs : devant un danger, vite on se sauve de là! De l’autre côté, nous avons l’activation du système nerveux parasympathique qui, à l’inverse, peut induire une réponse de relaxation. Il permet le ralentissement général des fonctions de notre corps : vive le yoga et la relaxation!

Sauf que ce n’est pas si simple. Ce serait trop beau. Parce que l’humain est un être d’habitudes, plus nos neurones sont activés par des situations (des souvenirs ou des pensées négatives récurrentes ont le même effet!) qui déclenchent nos traumas (souvent, on ne s’en rend pas compte!), plus notre système nerveux sympathique aura tendance à nous mettre dans un état d’alerte, peu importe s’il y a lieu de le faire ou non. C’est ainsi que l’on devient un type de personne qui doit faire face à différents déclencheurs.

C’est ici que le discours vers la méditation doit être nuancé, car certain(e)s penseront ou diront :  « Hey, tu n’as qu’à faire de la méditation et tu vas activer ton système nerveux sympathique. » Comme n’importe quelle tâche ou habileté, apprendre à méditer ou faire du yoga ou toute technique de relaxation peut se faire rapidement. Il y a même des cours de quelques jours, quelques heures même. Ça peut apporter un réconfort rapidement. Mais apprendre ces stratégies pour bénéficier réellement de ce qu’elles peuvent apporter comme bienfaits sur le système nerveux demande du temps et de la constance.

 Saviez-vous que certains de nos meilleurs légumes du Québec prennent 90 jours à maturer? À partir du moment que l’on plante une semence de tomate jusqu’à sa pleine maturité, on compte 90 jours pour pouvoir profiter de ses fruits succulents. C’est 90 jours à arroser, engraisser et prendre soin de chaque étape de la croissance du plant de tomate. Il serait impensable de croire que l’on peut obtenir une récolte de tomates après seulement 3 jours, 5 jours, 2 semaines. C’est la même chose pour nous. Si l’on veut cultiver le calme intérieur, par la méditation, on doit tout d’abord commencer par se donner suffisamment d’attention chaque jour, ne serait-ce que 10 minutes à la fois, pour permettre à nos moments avec soi de s’installer, de faire des racines et de générer ce sentiment de sécurité dans l’habitude. Avec le temps, la pratique deviendra naturelle. Peut-être même dans les moments plus difficiles sera-t-elle aidante, non pas qu’elle puisse aider à tous les niveaux, mais le simple fait de prendre ce court moment de 10 minutes pour prendre soin de soi est déjà un grand pas.

Pourquoi ne pas incorporer une habitude dans votre journée?

Je vous propose une courte méditation de 10 minutes pendant 100 jours. Vous avez fait 40 jours et vous avez passé une journée ou deux? Recommencez au jour 1. Je sais, c’est rigide. Non. C’est un engagement envers soi. Le but est 100 jours mais en allant de 1 à 100 avec constance et amour de soi.

Pour accompagner la « croissance de votre plant de tomate » (je blague!), ou plutôt pour compléter votre nouvelle habitude, je vous offre ces quelques séances de méditation guidée et de relaxation. Si vous désirez des références de lecture qui ont motivé l’écriture de ce texte sur le sujet, simplement m’écrire dans les commentaires. Ça me fera plaisir de vous guider vers les liens ou les auteurs qui m’ont servi de ressources et qui occupent mes moments de lecture.

Maryse


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4 Commentaires
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Louise
il y a 2 années

Un texte très éclairant, merci Maryse. Je vais conserver précieusement tes exercices de méditation. Pour l’instant, je choisis l’art thérapie dans le but de retracer mes traumas d’enfance. À cet égard, je termine la lecture du livre « La voie de l’imaginaire » qui donne de bonnes pistes pour accéder au plaisir de créer… un pas vers la guérison.

jessye
jessye
il y a 2 années

Allo Maryse !
Ton texte me parle énormément surtout présentement. Je vais évidement faire ton défi de 100 jours et conserver tes liens tout près de moi. J’aimerais les références de lecture sur le sujet, j’aimerais les liens ou les auteurs qui t’ont servi de ressources et qui occupent tes moments de lecture.

Merci à l’avance !