Tricherie

Par Marie-Eve Branconnier • Le 23 avril 2021


J’écris ces lignes cet après-midi sur ma terrasse dans ma cour, en ce printemps qui se presse. 24 degrés, aucun nuage, avec mes lunettes fumées, devant mon ordinateur pendant que le soleil entre dans mes yeux et réchauffe mon visage. Je fais ceci en sachant pertinemment que je prends le risque d’occasionner une crise. Et pourtant, je fais ce choix pour moi.

Moi, Marie-Eve, j’aime le soleil et la chaleur. J’aime me faire bronzer, j’aime le sentiment réconfortant de chaleur sur la mince surface de ma peau. Si différent du sentiment de chaleur qui pousse par en dedans causé par la fièvre de mes migraines.

Lorsque j’aurai terminé d’écrire ma pensée, j’aurai peut-être mal à la tête. Je regretterai peut-être même cette sortie prolongée directement au soleil. Mais en ce moment, pour vous dire la vérité, je m’en fous.

J’ai déjà écrit un article s’intitulant Les bonnes journées, où je faisais état de toutes les petites décisions qu’on prend en tant que migraineux pour arriver à vivre plus de journées sans douleur. Pourtant, je n’y ai pas traité l’antipode de ce phénomène, celui où on prend des décisions à l’opposé qui peuvent être tout autant bénéfiques.

Recherche d’équilibre

Pour bien vivre avec la migraine, il y a le concept d’équilibre qui est primordial. On passe la majorité de notre temps à prendre des décisions physiques, mentales, sociales et spatiales afin d’éviter les déclencheurs et d’atteindre un certain équilibre pour se sentir bien. Par contre, en vivant ainsi, on pourrait facilement finir par se convaincre que la migraine contrôle notre vie. Enfin, pour atteindre ce véritable équilibre sine qua non, on doit se donner le droit de « tricher ».

Pour certains, tricher serait de prendre un verre, ou deux, ou même trois. Pour d’autres, ce serait de se coucher 2 heures plus tard que d’habitude pour écouter un film de filles avec son ado. Ce pourrait même être de courir un 10 km au marathon de Montréal avec son amie pour se dire à la ligne d’arrivée que « j’en a été capable ». Pour moi, c’est de prendre un bain de soleil de temps en temps, entre autres. Ces décisions contradictoires sont autant importantes que celles qu’on prend pour éviter les crises. Parce qu’il y a des jours où il fait bon vivre en faisant fi de la migraine. Parce qu’il y a des jours où vivre comme si on n’avait pas de maladie, ça fait plus que du bien. Et il ne faut surtout pas s’en sentir coupable!

Que ce soit quelqu’un ou votre voix intérieure qui vous dit : « voyons, pourquoi t’as bu hier, tu le savais que t’allais avoir la migraine aujourd’hui », répondez-leur : « parce que j’en avais besoin et oui, peut-être que je le regrette aujourd’hui, mais hier ça m’a rendue heureuse ». Et vous savez quoi, c’est tout ce qui compte. Ces petits moments aident énormément à bien vivre et à accepter ce handicap. Nous avons la chance d’avoir une pathologie où prendre ces décisions contradictoires, quoique pouvant causer beaucoup de douleur, ne met pas notre vie en danger.

Les « cheat day » de la migraine

Vous commencez à bien me connaître, vous savez que j’aime les comparaisons. Alors, je vous en sors une toute nouvelle sortie de ma manche droite! Énormément de gens faisant une diète intègrent à celle-ci le concept de « cheat day ». Un « cheat day » par semaine, par mois, ce qui convient à quiconque. Pourquoi pensez-vous que ce concept existe? Tout simplement parce qu’il rend plus facile le fait de se priver pendant 6 jours, sachant que le 7e jour, se gâter est non seulement à portée, mais permis. Il est donc possible d’engloutir un gâteau McCain en entier sans se sentir coupable, parce cet abus a déjà été établi comme étant acceptable à travers la diète. L’objectif de perte de poids peut tout autant être atteint avec ces jours de tricherie, qui font en sorte que les efforts sont moins difficiles à porter. Et souvent la diète perdure plus longtemps ainsi. Ici aussi, on cherche un équilibre.

Alors, tricher avec la migraine une fois par semaine, une fois par mois, peu importe, c’est permis, et surtout ça rend les autres jours où tu y penses et où tu la crains plus faciles à digérer (pour continuer sur ma métaphore avec la nourriture). Ça fait en sorte que tous tes petits sacrifices deviennent plus légers, car tu te donnes le droit de vivre des journées où la migraine n’existe pas.

Moi, une vie où ma condition teinte toutes mes décisions, c’est une vie que je ne veux pas vivre. J’éterniserai donc le plus possible mon moment au soleil et qui sait, 17 h arrivent, je prendrai peut-être même un verre. 😉

Marie-Eve


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