Avec le temps, les choses bougent

Par Maryse Loranger • Le 7 février 2023



Avertissement : Ce texte effleure le sujet du suicide


Entre vous et moi

Avec le temps, les choses bougent. Il y a quelques années, je n’aurais pas cru ça. J’avais l’impression de descendre en spirale dans un trou de plus en plus noir. Ma santé était à son plus mal. Un diagnostic de migraine chronique avec dépression, c’est pas trop jojo. La douleur devenue quotidienne étant à une telle intensité, je n’avais même plus la chance de pleurer, ce qui aurait aggravé le niveau de douleur. Ma famille était distante et sans empathie. Mon partenaire de l’époque faisait le mort, car cette nouvelle réalité était trop pour lui. Il désirait une vie simple, qu’il me disait. Et là, ça devenait compliqué. L’impossibilité de poursuivre ma carrière d’enseignante (en danse!) qui a dû s’arrêter pour permettre au corps médical de savoir quoi faire avec moi. Les essais et erreurs de médicaments de toutes sortes ont paradé dans mon corps comme un « marching band » dont les tambours et les clairons ne s’accordent que pour en livrer une musique discordante, fausse et insupportable. Mon employeur me harcelait chaque semaine, ce qui aggravait mon état, un système nerveux sur le bord de lâcher encore plus qu’il ne le faisait déjà. Puis les évaluations médicales à n’en plus finir. Les batailles administratives entre l’employeur, l’assurance et ma neurologue. L’incertitude sur ma santé, sur mes finances, sur ma place dans cet univers qui était maintenant le mien et qui s’apparentait immuablement à l’enfer. Le désespoir, la solitude, l’isolement social et la dépression. C’était ma vie à temps plein. Les facteurs de stress tels que mes soucis financiers et les relations toxiques avec mes parents ont joué un rôle significatif dans mon désir de tout arrêter. À quoi bon? Je ne voyais pas comment je pouvais vivre ainsi jusqu’à la fin de ma vie. J’y laissais déjà ma peau et mon âme.

Puis, un ange. La représentante syndicale m’accueille dans ma détresse et me promet de tout faire pour m’aider. Elle-même a sa fille qui vit avec la migraine alors elle sait ce que c’est. Elle devient l’intermédiaire entre moi et l’employeur. Ils n’ont plus le droit de m’appeler ou de m’écrire. Elle est la zone tampon, un parfum léger de lavande, un ciel bleu et une rivière d’espérance, afin que je puisse avoir un répit de ces procédures inhumaines exploitées pour le seul bien matériel d’une institution qui se dit au service de la population. 

Elle me donne un vent d’espoir. Cette femme que je n’ai jamais rencontrée et avec qui je n’ai eu que des échanges au téléphone prend mon dossier en main. Je peux encore compter sur mes petites économies pour faire un bout. J’ai enfin un signe qu’avec le temps, les choses bougent. Moi qui me croyais perdue et esseulée, je vois enfin une nouvelle perspective. Ce qui me pousse à chercher mes solutions puisque la médecine traditionnelle semble me condamner à perpétuité. 

C’est à ce moment que je fais mes recherches sur la douleur et les stratégies pour la gérer. Je les mets toutes en applications en commençant par engager mon corps et mon esprit en action avec une méthode de mouvement qui s’appelle la Méthode GYROTONICⓇ et GYROKINESISⓇCette même année, je poursuis mes formations intensives et deviens professeur de cette méthode. Les crises de migraine commencent à diminuer en intensité et en fréquence bien que le nombre soit quand même élevé. La différence est que mon corps en mouvement, connecté à mon esprit, permet à mon système nerveux de se calmer peu à peu, avec le temps. Je ne suis plus isolée. Je reprends ma vie en main. J’ai tout à coup de nouveaux projets et j’en ressens un sentiment d’accomplissement. 

Avec le temps, les choses bougent. Je décide de m’impliquer comme bénévole pour un centre d’aide aux personnes diagnostiquées avec un cancer. Je désire aider d’autres personnes qui vivent avec des douleurs physiques et émotionnelles et qui me prouvent que la vie aura toujours un sens. Ma contribution à la communauté devient ma priorité. Je continue mon chemin en surfant sur les vagues de la migraine allant et venant au gré de mes pensées, mes incertitudes et mes contradictions. Mais j’avance et chaque pas me fait vivre des expériences nouvelles. Chaque pas me fait rencontrer de nouvelles personnes intéressantes, inspirantes et motivantes.

Je n’aurais jamais cru ceci possible. Pourtant, maintenant j’écris pour vous. Ma situation m’a mené vers vous qui me lisez. Je ne peux témoigner que de mon expérience et je sais que nous sommes tous et toutes différent·es avec des contextes uniques. Mais je sais que cet état de souffrance n’est qu’un passage dans une vie et qu’il ne saurait être permanent. Il y a des solutions. Il y a un avenir meilleur. Il y a un sens. C’est à chacun de nous de trouver ce sens.

De moi à vous

Avec le temps, les choses bougent. Parfois, sur le moment, on a l’impression que ce qui se passe maintenant, ce que nous ressentons maintenant, les problèmes auxquels nous sommes confrontés maintenant et ainsi de suite, dureront éternellement. On peut avoir l’impression qu’il n’y a pas d’issue et que nous serons pour toujours dans cette situation incroyablement écrasante et stressante. Mais il suffit d’un peu de recul pour se rendre compte que ce n’est pas vraiment vrai.

Faites une pause et regardez en arrière dans le temps. Vous n’avez même pas besoin de regarder en arrière trop loin. Peut-être juste quelques semaines, quelques mois ou un an. Rappelez-vous les choses dont vous aviez l’habitude de vous inquiéter, qui occupaient votre esprit. Rappelez-vous les choses pour lesquelles vous vous sentiez complètement coincé·e et incertain·e. Rappelez-vous l’intensité d’un élan qui donnait l’impression qu’il ne prendrait jamais son envol. Rappelez-vous les plans qui n’ont pas marché, les idées qui ont échoué, les projets qui n’ont pas vu le jour. Rappelez-vous les moments où vous n’avez pas pu voir de solution possible à un problème.

En regardant en arrière maintenant, vous pouvez voir que ces soucis qui occupaient votre esprit si fortement, la plupart d’entre eux ne le font plus. Ces moments où vous vous sentiez tellement coincé·e, vous n’y êtes plus coincé·e là-bas. À ces moments-là, les émotions étaient si fortes et maintenant vous remarquez que cela n’a pas duré éternellement. Ces fois où vos plans ont mal tourné, vous avez trouvé un nouveau plan. Ces fois où vous ne voyiez aucune solution possible, vous avez fini par en trouver une. Toutes les fois où ce problème semblait insurmontable, cette inquiétude vous dévorait, cette émotion était écrasante, rien de tout cela n’a duré éternellement. Avec le temps, les choses ont changé. Avec persévérance, vous vous êtes frayé·e un chemin. Avec confiance, vous avez permis au voyage de se dérouler. Les choses dont vous n’étiez pas sûr qu’elles ne changeraient jamais, elles l’ont fait. Les choses que vous ne saviez pas qu’elles s’amélioreraient, elles l’ont fait. Faites confiance au voyage. Les choses changeront toujours avec le temps. Restez centré·e et persévérant·e. Vous savez comment surfer sur les vagues et les hauts et les bas de la vie parce que vous l’avez déjà fait. 

Avec douceur,

Maryse


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