Le risque

Par Maryse Loranger • Le 7 avril 2023


Allumez les bougies! Sortez les feux de Bengale! Je fête mes 10 ans de vie commune avec la migraine chronique. Pour vrai, ça fait plus longtemps que ça, mais le chiffre 10 signifie qu’il y a dix ans, le corps médical reconnaissait la chronicité de ma maladie. C’est ainsi que ma vie a changé « pour le mieux et pour le pire ». Ma vie professionnelle a subi une ablation complète, mon environnement physique a reçu un « home staging » exemplaire et bien du monde s’est fait discret. Ce n’est pas plaisant une fille en douleur. En plus, ça ne paraît même pas. Car la douleur, ça ne tue pas. Ça te fait souffrir, mais ça ne détruit pas complètement. Le réel problème, c’est la solitude qui est un produit de la douleur. C’est elle qui tue lentement et qui ronge nos entrailles de l’intérieur. C’est elle qui nous coupe du monde ainsi que de ceux et celles qui occupaient nos vies. C’est aussi elle qui éveille notre côté le plus sombre. Elle prend toute la place même quand on se bat contre son existence à coup d’anti-inflammatoires et de triptans

Mais cette douleur, de quoi parle-t-elle? Selon certaines personnes qui sont plus connaisseurs que moi en la matière, notre corps nous parle. Si l’on écoute nos besoins et qu’on regarde nos peurs, on peut en faire un lien et trouver exactement pourquoi la douleur se loge à tel ou tel endroit. Ou mieux, on comprend que cette douleur nous dit ce qui ne va pas et qui nous empêche d’évoluer. De plus, si les situations stressantes causant des douleurs physiques se pointent en un rythme de plus en plus rapproché, les signaux de douleurs apparaissent aussi vite. Un vrai spectacle « live » de la danse « Collé collé » des besoins non assouvis et des peurs récurrentes relevant d’un passé révolu. Au revoir énergie, bien-être, nuit de rêve et calme intérieur! Salut lourdeur, douleur, insomnie et tristesse.

Décision

Dernièrement, j’ai pris une décision. Cela faisait déjà plusieurs semaines que je n’arrivais plus à contrôler mes crises de migraine. Je donnais comme raison que c’était probablement dû à des projets que je procrastinais et que je me causais moi-même ce stress. Je me disais que cela pouvait facilement être des restants de la Covid que j’ai eue en octobre! Pourtant, mes nuits entrecoupées d’épisodes insomniaques étaient claires. Ma petite voix criait. Je ne l’ai pas écouté tout de suite. Puis des événements récurrents successifs à vitesse grand V sont venus perturber ma paix d’esprit jusqu’à déranger l’intégralité de mon corps. Il a flanché. Je me suis retrouvée en urgence en grande panique ne pouvant plus contrôler mon système nerveux en débandade totale. 

J’ai mis fin à une relation amoureuse. Banal comme histoire. Tout le monde a déjà vécu une rupture, un cœur brisé, une désillusion allant jusqu’au désenchantement. Je sais. Je sais. Mais cette rupture, je l’ai créé en croyant me protéger de vivre plus de douleur. 

Ma conclusion est qu’aimer, de nos jours, est un risque. Et offrir ce grand élan d’amour alors que mon énergie est limitée par la maladie, c’est quand même un peu dangereux. Car en aimant, j’ai espéré tout gagner en sachant que je risquais de tout perdre. J’ai aussi accepté de prendre le risque d’aimer de tout mon cœur, mon corps et mon âme en prenant la chance d’être moins aimée que ce dont j’avais besoin. Mon besoin d’aimer et d’être aimée comme je suis s’est manifesté. Ma peur d’être moins aimée s’est concrétisée. Au final, cet épisode m’aura appris beaucoup sur moi. Ce n’est pas l’autre ni sa façon de manifester de l’amour envers moi qui est le problème et qui cause de la douleur. L’autre a bien d’autres soucis et ses monstres du passé à gérer. C’est mon manque d’amour et de confiance envers moi-même qui m’a fait retourner dans les schèmes du passé, mes propres peurs, mes propres croyances aussi nuisibles soient-elles.

La douleur, qu’elle soit sous la forme d’une crise de migraine ou des symptômes d’un système immunitaire affaibli, n’a comme but que de nous permettre de nous regarder. Cette fois, je me suis vue, totalement et complètement. Je suis triste du dénouement de cette leçon. Ma tête a fait un choix que le coeur n’était pas prêt à faire. On ne veut pas de telles expériences dans nos vies. Mais je ne peux qu’être soulagée de voir les changements qui se sont manifestés en moi. Il m’a fallu beaucoup de force et de courage pour taire la douleur qui m’invitait à m’apitoyer sur mon sort et plutôt écouter simplement le message. Et ainsi tout est devenu limpide. 

Mon amie Josée m’a écrit ces mots que je vous partage: ce n’est pas par manque d’amour qu’on part, c’est justement pour l’amour de soi. Pour préserver notre âme et notre corps. Il y a de ces rencontres que l’on fait et qui, juste par un mot ou une phrase, peuvent changer le cours de notre vie.

Mais enfin je réalise que la migraine est un outil de protection qui peut être redoutable, même envers nous. Peut-être est-il temps de l’écouter et la regarder pour ce qu’elle est. Un incitatif à mieux communiquer avec l’autre.

Avec douceur,

Maryse


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2 Commentaires
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Louise
il y a 11 mois

Le beau risque ! Ça vous rappelle quelque chose ? À l’échelle individuelle, quelle perspective intéressante pour qui veut prendre le risque de s’estimer et de prendre soin de soi. Merci Maryse pour ce témoignage si touchant !

Maryse Loranger
Maryse Loranger
il y a 11 mois
En réponse à  Louise

Merci Louise de ton commentaire et de tes bons mots. 🪷