Médicaments novateurs : Pourquoi c’est si long avant d’y avoir accès au Canada?

Par Migraine Québec • Le 19 février 2024


Médicaments novateurs : le processus de commercialisation et de couverture par les assurances

Pourquoi est-ce aussi long avant qu’on ait accès à tel ou tel nouveau médicament?

Il s’agit d’une question qu’on reçoit souvent. Quand un médicament novateur est disponible aux États-Unis et qu’on commence à entendre des histoires de miracles à son sujet, plusieurs ont hâte de l’essayer pour voir s’il pourrait également changer leur vie. Mais pourquoi faut-il toujours plus de temps avant qu’il ne soit disponible au Canada, et encore plus de temps pour qu’il soit couvert par la Régie de l’assurance-maladie du Québec (RAMQ)?

Cet article tentera de répondre à la question sans trop compliquer les choses, parce que ce n’est pas simple.

Il y a six étapes entre la fin des études cliniques pour un médicament et la commercialisation de celui-ci. Trois de ces étapes sont en lien avec la couverture par la RAMQ (ou tout autre couverture publique dans une autre province que le Québec).

 

1. Approbation par Santé Canada

L’objectif principal de Santé Canada? S’assurer de la sécurité du nouveau médicament. Il faut évidemment vérifier que le médicament n’est pas dangereux. À ce titre, le Canada serait l’un des pays les plus stricts au monde.

Jusqu’à trois ans peuvent s’écouler entre le dépôt d’une demande à Santé Canada et l’accessibilité du médicament grâce à la couverture par la RAMQ. (Et encore… il peut arriver qu’un nouveau médicament n’obtienne pas de couverture publique.)

Plusieurs facteurs peuvent toutefois retarder le traitement de la demande chez Santé Canada, par exemple : 

  • Un fort volume de soumission de nouveaux médicaments, ce qui crée une file d’attente;
  • Des demandes d’informations additionnelles de la part de Santé Canada, et le temps qu’il faut au manufacturier pour rassembler et soumettre ces nouvelles données.

2. Recommandation par le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés (CEPMB)

L’objectif du CEPMB (ou PMPRB en anglais) est de s’assurer que le prix du nouveau médicament est adéquat. Pour ce faire, le Conseil étudie le prix du médicament dans d’autres pays du monde, le prix des médicaments déjà commercialisés dans une même classe thérapeutique au Canada ainsi que le coût des autres traitements déjà existants pour la maladie au pays.

Cette enquête est l’une des raisons qui expliquent la longueur des délais pour l’accessibilité d’un nouveau médicament au Canada. La majorité des pays ont une démarche similaire pour fixer le prix des nouveaux médicaments.

Or, les compagnies pharmaceutiques tentent d’abord de commercialiser leurs nouveaux médicaments dans des pays qui ne font pas de telles démarches, puisque le processus d’acceptation sera moins long. Ainsi, les demandes de commercialisation seront déposées en priorité dans des pays qui ne fixent aucune limite de prix ou établissent des prix d’emblée plus élevés.

Étant donné que le Canada établit des prix assez bas, comparativement aux autres pays (par exemple les États-Unis), ce sera logiquement un des derniers pays où les compagnies tenteront de commercialiser leurs médicaments.

De façon générale, il semble positif que les Canadien·nes aient accès aux médicaments au plus bas prix possible. Cependant, il peut être intéressant de souligner que si les prix de vente sont très bas, les compagnies pharmaceutiques ont alors moins de marge de profit. Une marge de profit plus réduite peut nuire dans une certaine mesure aux activités de la compagnie, par exemple en ce qui a trait à la recherche et au développement. Il est donc possible que des bas prix de vente nuisent dans une certaine mesure au développement de nouveaux médicaments et à l’intérêt des compagnies pharmaceutiques à commercialiser leurs médicaments au Canada.

Après la décision du CEPMB

Lorsque le CEPMB a établi un prix de référence pour un nouveau médicament, les médecins peuvent commencer à prescrire celui-ci à leurs patient·es.

À ce stade, les patient·es bénéficient souvent des programmes d’accès aux médicaments des compagnies pharmaceutiques. Il s’agit de mesures provisoires qui permettent aux patient·es d’essayer des médicaments à faible coût ou gratuitement, en attendant que ceux-ci soient couverts par les régimes d’assurance privés ou provinciaux.

À la suite de la décision du CEPMB, les compagnies d’assurance privées peuvent aussi commencer à négocier leur coût d’accès à un médicament. Chaque compagnie d’assurance négocie son propre prix avec la compagnie pharmaceutique. Ces ententes sont confidentielles. Le prix négocié peut être plus bas que le plafond établi par le CEPMB pour tout le Canada, mais jamais plus élevé.

Enfin, il faut se rappeler que les plans d’assurance varient selon l’entente entre un employeur et sa compagnie d’assurance privée. Certains plans sont plus complets, d’autres moins. Ainsi, avec une même compagnie d’assurance, il peut arriver qu’un certain médicament soit couvert pour un·e employé·e et pas pour un·e autre, dépendamment du plan d’assurance choisi par l’employeur de chacun·e.

3. Recommandation par l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS)

Le rôle de l’INESSS est de recommander ou non la couverture d’un nouveau médicament par la Régie de l’assurance-maladie du Québec (RAMQ). Pour ce faire, l’INESSS révise les données de recherche et compare l’efficacité du nouveau médicament avec les médicaments déjà existants qui traitent la même condition.

L’INESSS prend également en compte l’impact sociétal du nouveau médicament, c’est-à-dire l’impact de celui-ci sur la qualité de vie des patient·es et sur la société en général, par exemple en ce qui a trait à l’absentéisme au travail. Fait intéressant : l’analyse de l’impact sociétal d’un médicament se fait seulement au Québec. Dans les autres provinces canadiennes, l’instance responsable de formuler une recommandation (ACMTS) s’en tient à la valeur thérapeutique et pharmacoéconomique du médicament.

À la suite de son analyse, l’INESSS adresse une recommandation au ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec concernant la couverture du médicament par la RAMQ. 

L’INESSS peut aussi formuler des recommandations sur les conditions selon lesquelles le médicament devrait être couvert par le régime public (par exemple, lorsqu’on doit démontrer qu’aucun autre médicament n’a fonctionné pour un·e patient·e). C’est ce qu’on appelle la mesure Médicaments d’exception.

La plupart du temps, les compagnies pharmaceutiques soumettent leurs nouveaux médicaments à l’INESSS une fois que l’approbation de Santé Canada a été obtenue. 

Il est possible de soumettre le médicament aux deux instances en même temps afin de réduire la durée totale du processus de mise en marché. Quand c’est le cas, la recommandation de l’INESSS sera toujours conditionnelle à une approbation de la part de Santé Canada.

4. Négociation avec l’Alliance pancanadienne pharmaceutique (APP)

Afin qu’un médicament soit couvert par le régime d’assurance public d’une province, il faut encore une fois établir un prix de remboursement. Ce sont les gouvernements provinciaux qui négocient ce prix avec l’Alliance pancanadienne pharmaceutique (ou PCPA en anglais). Ce prix sera plus bas que celui établi plus tôt par le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés.

À ce stade, chaque province peut décider si elle offrira ou non la couverture publique d’un médicament. Si elle ne le souhaite pas, elle ne participera pas aux négociations avec l’APP. Si elle participe aux négociations et qu’une entente est conclue, la province aura l’obligation de couvrir le médicament avec son régime d’assurance public.

Le prix établi lors de ces négociations est confidentiel. Il s’applique à toutes les provinces canadiennes (auparavant, chaque province négociait son propre prix).

Une fois les négociations avec l’APP complétées, un enjeu important est le temps que les provinces participantes mettront à officialiser la couverture du médicament. Certaines provinces agissent en quelques semaines, alors que d’autres peuvent prendre jusqu’à 12 mois, pour plusieurs raisons qui leur sont propres.

5. Convention d’inscription provinciale

Chaque province qui couvrira le médicament avec son régime d’assurance public signe une entente avec la compagnie pharmaceutique pour la mise en marché.

L’entente se base sur les recommandations de l’INESSS (ou de l’ACMTS dans le cas des autres provinces canadiennes) ainsi que sur le prix négocié avec l’APP.

Être patient·e d’exception

Si le gouvernement du Québec choisit de ne pas couvrir un médicament avec le régime public d’assurance-maladie, il y a encore la possibilité d’avoir accès à ce médicament avec un remboursement de la RAMQ. C’est ce qu’on appelle être patient·e d’exception. Cette mesure unique au Québec permet à un médecin de demander un remboursement à la RAMQ pour un médicament non-couvert par le régime public, à condition que toutes les autres options thérapeutiques couvertes par le régime public aient échoué chez un·e patient·e ou encore qu’elles ne soient pas envisageables (par exemple, en cas d’allergie ou d’incompatibilité avec un autre médicament déjà utilisé). C’est donc une option de dernier recours qui s’applique dans des cas exceptionnels.

6. Commercialisation

L’accès à un médicament peut se faire en plusieurs phases de commercialisation. En principe, c’est seulement après les six étapes décrites dans cet article qu’un médicament devient accessible à tous et à toutes.

Cependant, tel que mentionné précédemment, les médecins peuvent prescrire un médicament dès que celui-ci a été approuvé par Santé Canada (voir étape 1) et que le prix a été fixé par le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés (étape 2). Si le processus de mise en marché et de couverture s’arrête à ce stade, le médicament demeurera accessible seulement par l’entremise des régimes d’assurance privés et les programmes d’accès aux médicaments offerts par les compagnies pharmaceutiques.

Si vous avez de la difficulté à obtenir la couverture d’un médicament, vous pouvez communiquer avec notre équipe pour recevoir des ressources ou des conseils.


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