Peut-être

Par Maryse Loranger • Le 21 février 2023


Pas toujours si simple de vivre dans le présent quand on vit avec la migraine chronique. Ces derniers temps, j’ai vécu davantage dans l’anticipation de l’apparition des crises en me demandant chaque jour comment naviguer à travers ces multiples vagues de céphalées de fin d’après-midi et de début de soirée. J’ai perdu beaucoup de motivation à poursuivre mes activités. C’est comme si je n’avais plus de but, seulement une appréhension. Je sais bien que la migraine n’est pas une blessure qui se guérit simplement et qu’il y a tellement de facteurs, mais je ne peux m’empêcher de me poser continuellement des questions de la même façon que l’on se demande quelle sorte de chocolat on prendra pour faire une bonne fondue à la Saint-Valentin. Et vous, quel est votre chocolat préféré?

 Peut-être que tout ce que mon corps me demande est de le poser et de le reposer jusqu’à ce qu’il soit guéri de ses blessures?

Mon amour propre se mettant de la partie, je me suis mise en tête, sans vouloir faire de mauvais jeux de mots, que malgré cet état de chronicité revenue à fond la caisse, je devais fonctionner comme toute personne normalement constituée. Encore faudrait-il définir ce qui est normal, mais ceci est un autre sujet de blogue. Des activités sociales ont donc repris avec mon état d’anxiété dans le tapis, car je sais d’avance que je devrai gérer une crise. Pour ceux et celles qui m’ont déjà lue, il est difficile pour moi de me sentir complètement bien en présence de gens que je ne connais pas. La peur d’être jugée et étiquetée est bien présente. Je me suis toujours sentie différente, car mes choix professionnels et mes choix de vie ont rarement été dans la norme de notre société. Malgré ces choix bien assumés, il y a toujours un doute sur le regard des autres sur moi. Alors, pourquoi reprendre des activités sociales? Pour me sentir complète, comme les autres, moins un mystère ou un mystère à résoudre, que ce soit pour les autres que pour moi-même. 

Peut-être que mon hypersensibilité est la source de toute cette misère?

Serais-je trop branchée sur mes émotions?

Avant la pandémie, mes besoins en matière d’activités sociales étaient comblés par mes activités professionnelles. Je me sentais bien, en confiance, car mes client·es venaient me consulter pour leurs propres besoins de gérer la douleur. C’est donc en connaissance de cause que mes services étaient offerts. À part quelques personnes fabuleusement exceptionnelles qui se demandaient si je vivais de mon métier, on ne me posait pas de question sur mon statut, mon salaire ou mes factures à payer. Quoique ce soit déjà arrivé. Les gens sont si curieux.  

Pendant la pandémie, j’ai dû fermer mon studio de mieux-être, et comme bien des gens travaillant avec le public dans le domaine de l’activité physique, j’ai dû commencer à offrir mes cours par télétravail et m’adapter à cette nouvelle situation planétaire. Mais un changement aussi soudain, non planifié, vient avec de grands questionnements. J’ai tout de même plongé la tête première à la manière d’un sous-marin. Puis est survenue cette dure réalité que ce qui m’apportait une certaine reconnaissance n’était plus. Tout était à reconstruire. Mais la question que je me suis posée était: devrais-je me refaire de l’extérieur ou plutôt de l’intérieur? Dans mon cas, j’ai opté pour l’intérieur et j’ai troqué l’amour-propre pour l’amour de soi.

Mais comme n’importe quoi dans la vie, un changement ne vient pas seul. Il a besoin d’être bercé tout au fond de notre cœur afin qu’il puisse en émerger un sentiment d’acceptation et d’accomplissement personnel. Ça fait plus de trente ans que j’attache beaucoup d’importance au sentiment d’autoaccomplissement. Jeune étudiante, je m’intéressais déjà à la pratique de l’imagerie mentale pour améliorer la performance en danse et ainsi influencer positivement le sentiment d’autoaccomplissement. Encore une fois, le but servait l’amour-propre afin de nourrir l’amour de soi. 

Peut-être est-il possible de cultiver l’amour de soi et ce sentiment d’autoaccomplissement sans comparer nos performances dans le temps, que ce soit avec nous-mêmes ou avec autrui?

Ce sentiment d’accomplissement n’a pas besoin d’être grandiose. Il peut prendre la forme que l’on désire selon notre essence, notre âme, et là où on est rendu dans notre vie. Pour ma part, j’ai laissé tomber mon projet d’un studio de santé multidisciplinaire frôlant déjà sa 10e année d’existence parce que les circonstances n’étaient plus favorables. C’était un choix qui n’en était pas un. Ce changement était d’autant plus important à mes yeux et dans mon être tout entier puisque l’idée de ce projet avait pris naissance dans les pires moments de ma vie, lorsque j’existais dans la noirceur d’un vieil appartement avec des douleurs incessantes, une carrière solide qui prenait fin pour des raisons de santé, aucune vision d’avenir, un corps épuisé et le mental à son plus bas. Ce projet d’entreprise m’a permis de renaître, de me réaliser et de me redécouvrir sous un autre jour. À nouveau motivée par une nouvelle mission, j’avais trouvé une nouvelle route de navigation pour sillonner parmi les vagues, qu’elles soient douces ou plus violentes, au gré de tous les vents. Mais voilà qu’un tsunami avait eu raison de cette réinvention de moi-même. Jetée hors-bord sans veste de sécurité!

Peut-être que c’est lorsque nous sommes face à l’inéluctable que nous pouvons toucher à notre vraie nature et nous guérir?

Avouons que nous sommes dans une société qui valorise la performance que ce soit par la culture d’un corps parfait que par un boulot qui a un titre et dont le statut projette l’illusion de la réussite. Les questions que je me fais poser peuvent passer de « Tu travailles dans quel domaine? » (ce qui est bien correct, car ça me permet de faire un peu de travail de sensibilisation pour Migraine Québec) à «Combien d’heures travailles-tu par semaine? » (c’est toujours embêtant de répondre à celle-là puisque je ne considère pas mon travail comme…un travail dont on calcule des heures) à « Tu réussis à payer tes affaires en écrivant un blogue ? »( OK là c’est le temps de dire un gros juron…excusez-la!). Il semble qu’encore en 2023, malgré tout ce qui arrive dans le monde et à notre planète, la culture de la réussite passe par les « je, m’as-tu vu? » le body, le poste, le salaire …je vous laisse sur cette citation que j’aime beaucoup et qui me fait vraiment du bien lorsque je me sens observée avec jugement ou que finalement, je m’imagine devoir être différente de ce que je suis. 

Peut-être que l’avis des autres n’est que la vie des autres.

-Paulo Amaro

Avec douceur,

Maryse

 


Consultez aussi



S’abonner
Avisez-moi lors de
guest

0 Commentaires
Inline Feedbacks
Voir tous les commentaires