Les bras de Morphée

Par Marie-Claude Benoit • Le 2 août 2023


Toutes les nuits, l’histoire se répète. J’avale mon cocktail de pilules accumulées au fil des ans, chaque soir. J’en suis à quatre molécules. Le nombre de comprimés est impressionnant. Dix en tout pour atteindre la dose thérapeutique. 

Savez-vous quoi? Malgré tout, la migraine, bien qu’affaiblie, ne me laissera pas gagner la bataille. Il y a tellement de déclencheurs. Que j’élimine un à la fois. 

Le bruxisme

Le dernier en liste, le plus difficile à combattre jusqu’à maintenant : le bruxisme. Cela fait des années que ça dure. Aucun répit ne m’est accordé. Je ne peux pas en éviter la cause : le sommeil.

J’aimerais tellement pouvoir connaître un réveil sans cette douleur. Celle qui s’insinue dans ma tête en plein sommeil. Qui me réveille toutes les nuits, à deux ou trois heures du matin. Profitant d’une fenêtre d’éveil pour me torturer davantage. 

Lors d’une migraine diurne, j’entends le doux murmure de mon lit qui m’appelle. Morphée m’attend, elle aussi. Celle qui emporte dans ses bras la plupart des gens. Et même des personnes atteintes de migraine, mais pas de bruxisme, pour soulager la souffrance. 

Dans mon cas, il n’y a pas que Morphée qui espère que j’écoute l’appel de mon lit et de ses douces promesses. Le spectre du bruxisme l’accompagne. Il patiente en espérant que je me laisse tenter par une sieste. Difficile de résister quand la douleur rebondit dans tous les coins de ma tête, lancinante ou oppressante.

Je le sais. Oui, je sais que ce repos est un cadeau empoisonné. Que le sommeil ne vient jamais seul. Qu’il ne sera pas réparateur. Les muscles de ma mâchoire anticipent avec joie le moment où ma conscience leur laissera le champ libre. 

N’ayant plus aucun contrôle sur eux, ils s’en donnent à cœur joie et se contractent. Avec toute la force dont ils sont capables. Ils deviennent de plus en plus forts, grâce à toutes ces années de pratique à mes dépens.

Oui, je sais. Je sais que peu importe le moment de la journée ou de la nuit, dormir me condamne à une migraine. Ouvrir les yeux sera toujours difficile, après un moment de répit tant convoité. 

Mais je dors quand même. Parce qu’il faut bien dormir la nuit. Et le jour, parce que le sommeil me donne une pause de la douleur. Je m’en occuperai au réveil. Une migraine à la fois… 

Qu’est-ce qui me soulagera cette fois?

Advil, Tylenol, codéine, triptan, caféine, cannabis, … L’arsenal thérapeutique est là, mais pas toujours efficace. Quelle combinaison me permettra de survivre une journée de plus? 

Je rêve d’un réveil sans douleur. D’un réveil agréable où j’aurai envie d’entamer cette nouvelle journée, confiante que ma tête restera légère jusqu’à mon coucher. 

Je rêve d’une nuit sans interruption douloureuse. Une vraie nuit qui m’offrira une sensation de repos quand j’ouvrirai les yeux au petit matin. Au lieu d’une impression de lendemain de veille.

Laissez-moi au pays des rêves. Là où tous les autres déclencheurs – fatigue, nourriture, lumière, bruit, odeurs – ne peuvent m’atteindre. Là où la gestion des médicaments n’est pas mon lot quotidien. Là où le bruxisme ne m’a pas encore révélé ses effets néfastes.

Comment éviter les céphalées médicamenteuses quand je dois traiter une migraine tous les matins? Comment vivre une vie « normale » quand mon avant-midi est consacrée à me remettre de ma nuit?

Mais où se trouve la solution? Celle qui me permettrait de reprendre le contrôle de ma vie. Le botox affaiblit mes masséters, mais ils résistent toujours et s’entêtent à se contracter. Quelle force ils ont! Ne comprennent-ils pas le message : relaxez et rendez-moi mes journées! Rendez-moi mes matins où tout est possible.

J’ai toujours aimé les matins.

Le moment de la journée où mon énergie, ma créativité et ma motivation étaient à leur paroxysme. Mais c’était avant…

Avant que ces muscles maudits ne me privent du meilleur de ma journée. Que me reste-t-il maintenant? Une matinée perdue, un après-midi incertain et une soirée de fatigue où s’insinue trop souvent la migraine.

Et quand c’est terminé, je n’ai qu’une envie : laisser tomber ma tête sur l’oreiller. Sachant très bien que demain, tout sera à recommencer. C’est le jour de la marmotte… accompagné de souffrance et de découragement. Aucune issue possible n’est envisageable.

J’ai cherché. Oh oui, j’ai cherché… la cause et une solution. J’ai joué au fameux jeu d’essais et d’erreurs auquel je suis habituée en tant que migraineuse chronique. Tout traitement préventif s’est soldé par un échec. Tout traitement de crise hypothèque mes journées. 

Combien de temps avant que le découragement prenne le pas sur l’espoir? L’espoir de matins agréables. Oui, tout ce qu’il me reste, c’est l’espoir. Qu’à nouveau je savoure mon café matinal, tranquillement et avec sérénité, sans jongler avec les antidouleurs. 


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