Quand la migraine se mêle de mes ambitions

Par Marie-Claude Benoit • Le 13 avril 2023


Elle s’empare vraiment de toutes les sphères de ma vie, cette envahisseuse chronique. Quand ce n’est pas pendant mon sommeil, en me réveillant avec la douleur, c’est en pleine journée, à un moment inopportun. D’ailleurs, existe-t-il un bon moment pour la sentir arriver? Tous les jours, elle se présente plus ou moins intense, jouant avec mes émotions et mes ambitions.

Quand je fonctionnais normalement

Eh oui, c’est déjà arrivé. Ces jours d’un lointain passé où je ne la laissais pas m’empêcher de vivre. Mais, existais-je réellement? Je ne me rappelle que de l’inconfort et des médicaments avalés en quantité ahurissante afin de pouvoir fonctionner. Non sans un fond permanent de douleur.

Oui, je travaillais à temps plein, de jour, de soir et de nuit. Un horaire qui ouvrait grand la porte à cette invitée attendue, mais non désirée. Pas de repos pour la guerrière, ce n’est pas la maladie qui allait mener ma vie, à cette époque. C’est moi qui décidais pas elle. Je n’allais pas la laisser réduire à néant trois ans d’études. Où elle m’avait d’ailleurs accompagnée, fidèle ennemie essayant de me détourner de ma passion. De mon rêve qui allait devenir réalité : travailler dans le milieu hospitalier.

Mais elle n’avait pas dit son dernier mot. Des horaires de travail atypiques, des heures de sommeil irrégulières, un boulot éreintant, c’était mon quotidien. Combien de temps allais-je pouvoir endurer sa présence quasi constante et sa résistance aux armes médicamenteuses que je m’entêtais à essayer contre elle? 

Quand j’ai négocié avec l’ennemie

Fini le travail de nuit! Accepterait-elle de me laisser poursuivre ma carrière si je m’accordais des heures de sommeil plus normales? La réponse est non. Elle n’allait pas capituler si facilement. Elle me torturerait encore et encore si je ne ralentissais pas. 

J’ai alors présumé qu’un temps partiel était de mise. M’offrir des journées de repos l’éloignerait peut-être, ne serait-ce que quelques heures de plus. M’offrant des pauses salutaires.

Enfants, boulot, dodo… voilà qui était encore trop. Et par ici la médication! Qui ne donnait souvent presque plus aucun résultat satisfaisant. Je sais aujourd’hui qu’une partie de ma douleur était causée par des céphalées médicamenteuses. À force de vouloir la combattre pour fonctionner comme tout le monde, je faisais rebondir la douleur aux quatre coins de ma tête.

Quand j’ai abdiqué

Force était de constater que je n’étais pas suffisamment armée contre l’adversaire. Et que mes ressources ne l’effrayaient plus. Aucune chance qu’un remède qu’elle avait vu maintes et maintes fois ne la fasse reculer. Plus rien n’était efficace.

J’entendis parler de sevrage médicamenteux. Je n’avais plus rien à perdre. J’en parlai à mon neurologue qui me prescrit de la cortisone pour m’aider à passer au travers. Les règles étaient simples : arrêter de prendre des analgésiques et ne plus en consommer pendant trois mois. Les appliquer l’était moins : endurer la douleur sans avaler de comprimés et espérer de meilleurs jours. 

Il n’en reste pas moins que je me suis équipée pour y faire face. Mon arsenal : sac magique froid (qui de nous n’en a pas un au congélateur?), achat d’un casque réfrigérant, livres audios pour passer le temps. J’ai demandé à mon médecin de me prescrire un congé. Travailler dans cet état? Impensable!

J’ai réussi… partiellement. Mon réflexe d’ouvrir un pot de pilules à la moindre douleur était disparu. Les maux de tête s’espaçaient de plus en plus. Le casque réfrigérant passait désormais plus de temps au frigo que sur ma tête. Jusqu’au jour où, à peine quelques semaines plus tard, une migraine hormonale carabinée me prit par surprise. 

Déshabituée que j’étais d’essayer de la chasser et ne voulant pas briser mon sevrage, je retardai le moment du traitement. Jusqu’à ce que la douleur devint insoutenable. J’ai cru subir un AVC. Je n’ai pas eu d’autres choix que de recourir à un antalgique puissant.

Je n’ai pas tenu trois mois, non, mais mes prises de médicaments étaient beaucoup moins fréquentes par la suite. Et la migraine me laissait tranquille pendant des heures, si ce n’étaient pas des jours. Quel bonheur!

Quand j’ai décidé de me reposer

Après cet épisode, je suis retournée au travail à reculons. La migraine aimait m’y accompagner, main dans la main. J’en ai eu assez de faire ce que l’on attendait de moi : travailler, m’occuper des enfants, de la maison, de ma vie sociale. Toujours avec cette épée de Damoclès au-dessus de ma tête (c’est le cas de le dire!).

Je demandai un congé sans solde d’un an à mon employeur. Une année complète sans cette obligation épuisante me donna un répit bien mérité. Avant la fin de cette année, une lueur d’espoir se profila à l’horizon : l’Aimovig, un anti-CGRP.

Je prenais maintenant soin de moi et des miens. Je décidais à la dernière minute si j’acceptais une invitation ou si je faisais des activités avec ma famille. Je n’acceptais plus de vivre dans la souffrance. J’écoutais mon corps quand il me disait de me reposer.

Quand ma vie a basculé

Avant la fin de cette année salutaire, mon univers s’est effondré. Mon mari m’a quittée, ma nouvelle attitude face à la migraine n’étant pas étrangère à cette terrible décision. Affectée par une grave dépression, je ne retournai pas travailler à la fin de mon congé sans solde. Au lieu de cela, je me retrouvai en congé maladie pendant une autre année entière. Peinant à me relever de cette épreuve.

Et ma fidèle ennemie s’en est mêlée. La douleur physique s’enlignant sur ma détresse psychologique. Insécurité, anxiété, désespoir : voilà de quoi mes journées étaient meublées.

Je ne pouvais plus me permettre de travailler moins pour m’occuper de ma famille. Une famille maintenant éclatée. Cependant, je pris tout de même la décision, lorsque j’ai dû retourner au travail sous les ordres de ma psychiatre, de démissionner. Décision qui me parut juste sur le moment, mais que j’ai amèrement regrettée par la suite.

Je me retrouvai sans salaire, sans travail et sans vie sociale. Et la migraine, m’a-t-elle épargné sa présence? Pas du tout. Elle s’est acharnée à me mener la vie dure. Comment envisager un emploi à temps plein à l’extérieur?

Quand j’ai modifié mes ambitions

Fini le bon salaire, les bonnes conditions de travail, le fonds de pension et l’assurance-santé fournie par l’employeur. J’eus alors l’idée de me créer un emploi avec des conditions de travail et un horaire adapté à mon état de santé.

Motivée par cette nouvelle ambition, je me formai à exercer un métier où mon employeur (moi-même) serait moins exigeant. Avec des horaires flexibles et un environnement de travail non-déclencheur de migraine (chez moi).

La migraine s’est invitée dans ma vie. Elle a contribué à détruire ma vie personnelle. Elle a anéanti mes plus grandes ambitions professionnelles. Avec elle, toujours à mes côtés, tous les jours, je me forge de nouvelles ambitions qui me permettront de gagner mon pain. Un jour, je retomberai sur mes pieds, dans une vie qui m’appartiendra enfin.


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