Mieux vivre avec la migraine

 

Lorem
titre.

Ensemble, améliorons notre qualité de vie.

Repos, silence et noirceur

Par Alex DeSources

 

Reims, France, 1980.

Je marche dans la rue, près de ma mère. C’est l’hiver. Mes naseaux sentent le sel. Je galope interdite vers les cendres humaines. Le marché n’est que l’ombre de lui-même. L’écho des talons de ma mère anéantissent mon cerveau. Je vibre de l’intérieur. Je sens tout. J’ai mal au cœur. Tout pue. J’ai peur. Qu’est-ce que cet état qui m’assaille? Hier, tout était différent. Hier, mon cerveau rentrait dans ma tête. Aujourd’hui, une auréole interne joue à l’étau.

J’ai 7 ans, je ne comprends pas alors que ces états transitoires m’accompagneront toute ma vie.

La tête qui déchante, c’est beaucoup. Il y a la lumière, les sons, les odeurs. Demander à mon père de cacher sa montre dont le tic tac hante mon hippocampe. Déplorer des cadeaux de parfums qui dévastent mon être. Haïr le printemps et le seringa… Fleur si lumineuse et veloutée… L’incarnation même du féminin sacré… Maudire l’automne et l’odeur des champignons. Les vendanges et l’odeur de tonneau… La nausée me tenaille quand les autres festoient… Je suis autre, je suis différente… Si seulement je pouvais vomir, juste une fois et être soulagée!

Psychosomatique! Tu dois apprendre à déstresser. J’ai 7 ans, 12 ans, 16 ans ou 30 puis 40! J’ai besoin de repos, de silence et de noirceur. Mais je dois étudier, chanter ou rouler et pavaner. Les « grippes » s’accumulent. Des mauvaises notes inexplicables au regard de mes capacités… Des erreurs que l’on ne m’excuse pas. Parfois mon cerveau tombe en panne. C’est comme ça. Il m’échappe et je me perds.

Puis, un neurologue spécialisé en maladies dégénératives (Parkinson, Alzheimer) adresse le nom de migraine, et se rétracte. Non, tous les jours des maux de tête… Le triptan ne fonctionne pas… votre cou devient raide… Hum… céphalées dites de tension! Amitriptyline et prégabaline sont tout de même prescrits. Surtout ne prenez pas d’Advil et je vous réfère à votre médecin de famille. Vous êtes stable maintenant. En 2009, les migraines sont mal connues.

Mais il n’y avait pas que les maux de tête. Il y avait les désordres intestinaux, la nausée, la transpiration, la lumière et les bruits… Et les odeurs…

J’attribuai ces mots à une anxiété et une dépression larvée qui ne disaient pas son nom… et surtout que je ne ressentais pas aussi souvent que cette pression dans ma tête. Pas aussi souvent que ce corps prématurément vieilli passé au rouleau compresseur…

Implorer la fin des discussions. Détester l’argumentation.

Il aura fallu la chimiothérapie et l’exacerbation des symptômes; le lit pendant des mois pour apprendre la chronicité d’un mal qui avait 40 ans.

Le verdict de la vie m’invite au silence et à la pénombre. Je n’en n’apprécie que plus les mots et la lumière diaphane de mon appartement… Atténuer les symptômes pour m’orienter vers un projet qui colle à moi et à Suzette, cette migraine. Prendre soin de moi et m’ouvrir au changement. Tous les outils croisés le long du chemin : méditation, Qi Gong, thé vert, lectures spirituelles, attitude d’amour envers les autres et surtout moi. Moi avec mes limites mais si riche d’habiletés à partager. À bas l’humilité! ;-)

Tant que je n’ai pas connu et reconnu cette maladie, j’étais anéantie et impuissante. Aujourd’hui, Suzette s’invite tous les jours à ma table. Elle contrôle en grande partie mon agenda, mais j’apprends à l’apprivoiser. À la connaître. À la distraire. À l’occuper. Je ne travaille plus, mais j’œuvre avec elle… Elle, cette entité à part entière. Elle a ses goûts, ses préférences et ses sensibilités.

Suzette, c’est moi élevée au stade d’aura, d’ombre et de frissons. Suzette est devenue mon double que je dois rencontrer. Suzette, en fait, c’est probablement cette partie de moi qui a mal et dont je n’ai pas pris soin. Cette partie créative, hypersensible, aimante et accidentée qui a douté, eu peur et nié son existence spécifique. Cette forme de vie à fleur de peau qui fait mal mais rend tout plus, voire trop!

Les médicaments existent. Imaginez il y a 100 ans ce que les patients vivaient! Étape par étape, je gravirai les échelons des molécules… Je ne guérirai pas, probablement trop de traumatismes physiques et psychologiques. Mais je peux gagner de la qualité de vie. Donner un sens à tout ça.

La migraine, c’est le moyen que la vie m’a donné pour me rencontrer et me choisir. Je dois changer de vie… Oserais-je? Pourtant, je sais que le changement en ressac nous fracasse et nous élève. À moi de voir si je l’accepte…

 

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