Mieux vivre avec la migraine

 

Lorem
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Des poussières noires dansent dans mes yeux

Par Claire S.

Quand j'ai entendu parler pour la première fois des migraines avec aura, j'ai trouvé que ça avait de l'allure. Aura, ça me fait penser à l'aurore, au lever du jour, ou au contraire à l'adjectif qu'on utilise pour désigner une personne qui a du charisme. Bref, je trouvais ça stylé. La réalité est moins glamour.

 

Aujourd’hui, j’avais un ambitieux programme de travail. Mais quand je me suis réveillée ce matin, le côté droit de la nuque engourdi jusqu’à mon oreille, me bloquant partiellement la mâchoire, j’ai compris qu’il allait falloir revoir mes plans. Cette journée serait plutôt sous le signe de la migraine avec aura.

Réaménager mes plans

Je sors péniblement de mon lit et je suis fatiguée malgré 8 heures complètes de sommeil. Comme un casque de plomb qui m’enserre le crâne, comme un fil de douleur de mon œil droit à mon rein, toujours à droite, en passant par la nuque, glissant dans mes épaules. Je file me faire un café : je connais sa redoutable efficacité contre la migraine, ou plutôt, je redoute celles qui arrivent lorsque je n’en prends pas.

J’essaye de commencer la journée, mais je me traîne. Je sais d’ores et déjà que je vais devoir réaménager mon emploi du temps, mais j’essaye de limiter la casse. J’hésite : médicaments ou pas? Globalement, j’essaye d’en prendre peu, car je redoute leurs effets à long terme sur le foie, et qui dit foie encrassé, dit davantage de migraines (dixit un très bon acuponcteur montréalais).

J’ai envie de gras. Coïncidence ou pas, j’ai remarqué qu’avant les crises de migraines, j’avais envie de gras, de salé, et qu’au contraire le sucre accélérait la venue des crises. Je pars sur des œufs et un avocat (gras, mais santé, le compromis malin). À ce stade de la journée, j’espère encore éviter la migraine trop intense.

Les « danseuses » de l’aura

Je décide de faire ma gymnastique matinale, mais dès les premiers mouvements, j’admets que c’est au-dessus de mes forces. Repos sur le tapis, temps morts. Et là je vois mes habituelles petites danseuses, des poussières noires qui dansent sous mes paupières. Familières mais insaisissables. Je sais ce qu’elles annoncent : l’aura migraineuse.

L’aura, c’est cet ensemble de troubles neurologiques qui accompagnent de 20 à 30 % des migraines. Il peut s’agir de points lumineux apparaissant dans le champ de vision (le scotome scintillant), de troubles sensitifs comme des engourdissements, ou bien de troubles du langage. Ces derniers m’arrivent parfois, mais comme je suis actuellement en quarantaine, je n’ai personne à qui parler, alors je ne sais pas si mes danseuses sont bègues cette fois-ci. Elles n’ont pas de visages, elles sont des poussières mouvantes au loin, qui modifient mes perceptions spatiales. Elles flottent et rebondissent dans mes pupilles à chaque mouvement de cil.

Tout ce que je sais, c’est que j’ai du mal à situer mon corps dans l’espace, j’ai des vertiges quand je tourne la tête, comme si j’avais un peu trop bu. Ah tiens, maintenant vient le clou : cette sensation d’être trépanée par un outil d’un côté de ma tête, en haut de mon oreille droite, et qui ressortirait de l’autre côté. Je suis sonnée.

Finalement, ça sera peut-être une journée sous Triptan….

 

Le syndrome d’« Alice au pays des merveilles »

Une heure s’est écoulée et je ne sais pas ce que j’ai fait. Parmi les différents types d’aura migraineuse, il existe « le syndrome d’Alice au pays des merveilles », une altération de la perception de soi et/ou du monde extérieur. J’ai découvert récemment ce nom qui m’a beaucoup plu, car un peu magique. On pourrait croire que les migraineux ont en fait des super pouvoirs. Ce syndrome donne l’impression que l’environnement a changé, spatialement, mais aussi temporellement, avec une perception du temps qui peut aussi être déformée.

Là pour l’instant, j’ai résisté au Triptan et j’ai juste opté pour l’ibuprofène, ce qui fait que je suis encore dans mon état d’Alice au pays des merveilles. Pas de lapin blanc dans ma chambre pour le moment, mais une vision élargie, toujours avec mes petites danseuses, et une sensation d’apesanteur. Plutôt amusant, mais le problème, c’est que je suis incapable de rien faire. Évidemment, le moindre écran est à proscrire (j’écris ces lignes à la main, je les taperai plus tard).

Depuis quelques jours, j’étais gênée par la luminosité des écrans, j’aurais dû me douter que ça arriverait. L’aura, ce sont les signes annonciateurs : une personne migraineuse sur cinq les ressent, mais chacune à sa manière. On dit aussi que les changements de climats et de températures ont un effet, tout comme la pression atmosphérique et l’humidité. J’ai envie de chercher un coupable entre le manteau blanc qui est tombé il y a deux jours ou le soleil aveuglant de l’hiver, mais je suis enfermée chez moi depuis plusieurs jours : peuvent-ils avoir un effet quand même? Est-ce que le manque de sortie peut jouer aussi?

Plus tard dans la journée

Après un troisième café et une séance de yoga, je suis sonnée, mais mes petites danseuses ont disparu! En revanche, les tensions sur la droite de mon corps sont toujours bien fortes, plus fortes même. Maintenant, le petit marteau-piqueur derrière mon œil droit s’est installé…. Métaphoriquement parlant, bien sûr! C’est normal, l’aura migraineuse précède généralement la migraine, bien que douleur et aura puissent se combiner.

Adieu mes petites danseuses, bonjour céphalées partielles. Je le sais, je suis partie pour trois jours d’alternance de crises et de périodes de repos, généralement des périodes de 4 heures.

Le lendemain

Aujourd’hui, plus de danseuses ni de poussières noires! Seulement, j’ai cette douleur lancinante qui me prend sous la nuque à droite et m’enserre le crâne comme un casque à droite, jusqu’à l’œil. Les sensations d’une migraine classique, sans aura. Pas étonnant, l’aura annonce la crise migraineuse (tels les oiseaux le printemps…). Je ne m’attends pas à ressentir les troubles dans les prochaines heures. Je reprends de l’ibuprofène, j’évite les écrans et je dors beaucoup.

Le surlendemain

Après des crises épisodiques de 4 heures environ, je sais que, comme d’habitude, ma crise migraineuse va prendre fin, au bout de trois jours. Généralement, la fin est tout aussi intense. Mes petites poussières dansent à nouveau sur mes pupilles. Je sais que ce n’est plus l’aura, car je n’ai pas de troubles de langage ni moteurs associés, mais ma perception visuelle reste modifiée. Il s’agirait plutôt de la dimension « ophtalmique de la migraine ».

En effet, les migraines ophtalmiques s'accompagnent d'impressions visuelles qui nuisent à la vision durant une partie ou toute la durée de la crise. L’aura, elle, désigne un ensemble de symptômes que certaines personnes ressentiront quelques minutes ou quelques heures avant une migraine, sous diverses formes. Chez moi, ces formes incluent une dimension visuelle, avec mes petites danseuses. J’ai mis des années à distinguer ces différents éléments.

La bonne nouvelle, c’est que maintenant, je le sais : les petites poussières viennent me dirent au revoir après trois jours. Demain, ce sera terminé. Un petit tour, et puis s’en va!

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